Les bains-douches

Carte postale réalisée entre 1930 et 1942 (la poste a été construite en 1930 et le buste de Montalembert a été enlevé début 1942).
Carte postale réalisée entre 1930 et 1942 (la poste a été construite en 1930 et le buste de Montalembert a été enlevé début 1942).

 

          Au début du XXème siècle, l'Etat montre son intérêt pour les questions d'hygiène et de santé puisqu'une loi de 1902 prévoit que les communes adoptent un règlement sanitaire. C'est ce que fait Ruelle en juillet 1907. Le règlement traite des habitations neuves (cuisine et chambres bien éclairées et ventilées…), des celliers, des écuries, des puits et citernes, des fosses à fumier… mais ignore complètement les salles de bains. En effet, il est difficile d'aménager une telle salle, en l'absence d'un réseau d'adduction d'eau; or celui-ci n'est installé que dans les années 30. À défaut d'équipement collectif, la population se sert du matériel destiné à la lessive : grandes bassines, lessiveuses…

 

La construction de l'établissement

 

          Déjà, en novembre 1903, la commune a reçu une proposition de services émanant de la Société Anonyme des Bains et Lavoirs Economiques, dont le siège est à Paris, pour la construction de chalets bains-lavabos de 8 cabines. Le prospectus est alors soigneusement rangé dans un dossier (où il dort encore). Pourquoi la municipalité ne se saisit-elle pas de la question? D'abord c'est un problème de finances et rien ne presse puisque les ouvriers de la fonderie et leur famille peuvent utiliser gratuitement les bains-douches de la fonderie (situés en face du terre-plein) jusqu'à la guerre de 1914-18, même si le reste de la population doit se contenter d'une solution de fortune (bassines…) ou se rendre à Angoulême pour prendre un bain ou une douche.

          En février 1921, sous la forme d'une circulaire-réclame, arrive la proposition d'une société parisienne dirigée par l'ingénieur Georges Barrois et spécialisée dans la construction d'établissement de bains-douches. Cette fois la municipalité est intéressée ; elle envisage de construire un bâtiment et confie l'étude à sa commission d'hygiène. Pourquoi ce changement d'attitude ? C'est que depuis la guerre, le service de santé de la Fonderie a réduit l'accès de ses bains-douches aux seuls ouvriers et d'une façon restreinte.

          Au conseil du 28 mai 1923 la commission présente un projet limité à 80.000f, confié à l'ingénieur spécialiste Barrois : la dimension du bâtiment est de 9m/15m ; il comprend 7 cabines de douches et 3 avec baignoire, des WC, une salle d'attente, la cabine du gérant, une salle de chauffe. L'emplacement proposé est le terre-plein et au-dessus de la rivière, à la place des urinoirs. Le bâtiment ouvre sur les platanes. Le conseil juge le nombre de baignoires insuffisant mais donne son accord sur le principe du projet.

          Dans sa séance du 2 août 1923, pour répondre à certaines critiques, il rappelle ses préoccupations d'hygiène et de santé, il précise que si l'ingénieur parisien Barrois a été choisi, c'est parce qu'il est un spécialiste de ce type de travaux, mais l'exécution sera confiée à des entrepreneurs locaux, sous la direction de l'architecte du département, Roger Baleix. Le nombre de cabines de baignoires est porté à 6, et il est prévu que le système de chauffage permette d'atteindre 16 à 18°. Le devis dépasse 150.000f mais une partie de la dépense doit être couverte par une subvention du ministère de l'Intérieur. On envisage déjà les prix qui seront demandés au public : 0,75f pour les douches (savon compris), 0,50f pour les enfants jusqu'à 14 ans, 1,50f pour les bains en baignoires.

          Le dossier est envoyé, il faut attendre patiemment que les différents services se prononcent. Ainsi une lettre du préfet du 12 mars 1924 indique que la commission sanitaire a émis un avis favorable dans sa séance du 22 décembre 1923. Le 20 novembre 1924, le maire informe le conseil que le ministère de l'Intérieur accorde une subvention de 75.000f (dont l'origine est un prélèvement sur le produit des jeux) et comme le montant de la dépense s'élève à 152342,65f, la commune décide d'emprunter 77.000f au Crédit Foncier de France. Cependant la signature de l'emprunt n'intervient qu'en février 1925.

          C'est alors qu'a lieu l'adjudication pour l'attribution des lots aux entreprises : gros œuvre à l'entreprise Loulergue, menuiserie à l'entreprise Dupuy, carrelage, revêtements à l'entreprise Lacroix, matériel sanitaire à l'entreprise parisienne Bouchet. Les travaux commencent le 15 juin 1925, sous la direction de Georges Barrois. Mais la période connaît une forte inflation et au moment de l'installation du matériel sanitaire la commune doit donner son accord pour une augmentation de 10% du prix de ce matériel. De plus, des travaux supplémentaires s'avèrent nécessaires, notamment la construction de WC puisque la construction des bains-douches a supprimé les urinoirs du terre-plein. Aussi la commission d'hygiène souhaite-t-elle la création de water-closets, leur absence étant une gêne pour les étrangers, en particulier les jours de foire et marché, et pour éviter que "les forains, lors de la frairie, vident leurs seaux dans les fossés et les bouches d'égouts" ; le conseil donne son accord à une telle construction, sous le nom de "chalet de nécessité", pour une somme de 5162,29f, en novembre 1925 (entreprise Loulergue). En juin 1926, une somme de 2000f est votée pour amener l'électricité au compteur de l'établissement (un contrat d'abonnement pour fourniture d'électricité sera souscrit auprès de l'entreprise "Energie Electrique du Sud-Ouest").

          La réception provisoire a lieu le 4 septembre 1926, à 9h30, en présence de Jean Antoine maire, Jougier, Boulette et Renaudet, membres de la commission ; Loulergue, Lacroix et Jobit, Dupuy-Marguenot et Bouchet, entrepreneurs. On reconnaît que les travaux sont conformes aux désirs de la municipalité, mais des réserves sont formulées : la cheminée de brique est inachevée, une gouttière existe dans l'angle droit du hall (entreprise Loulergue) ; l'entreprise Dupuy doit donner le jeu nécessaire aux huisseries et aux portes ; l'entreprise Lacroix-Jobit doit améliorer le ponçage du sol en mosaïque vénitienne. En novembre 1926, on décide de démolir la cheminée des bains-douches et de confier la reconstruction à M. Valy, plâtrier à Ruelle, pour 800f ; on décide aussi d'acheter un groupe motopompe complet (en cas de panne de la pompe électrique). Quant à la réception définitive des travaux, elle a lieu le mardi 29 mars 1927, à 16h30. Sont présents Jean Antoine, maire, Daniel Mestraud, 1er adjoint, Lucien Jougier, Marcellin Huguet, conseillers municipaux, Georges Barrois architecte, Antoine Loulergue, entrepreneur de travaux publics à Ruelle, Louis Dupuy, menuisier à Ruelle, Edouard Marguenot, peintre à Ruelle.

 

          Au début de 1927, on fait le décompte des travaux qui se montent à 201.000f au lieu de 152.000f. Le supplément résulte, pour une grande part, de la différence des cours des matériaux, liée à une forte inflation, entre le 30 juin 1923, date de l'établissement des devis et le 15 juin 1925, date de début des travaux. Aussi le conseil décide-t-il, en avril 1927, de recourir à l'emprunt (30.000f) et en septembre 1927 de demander une subvention complémentaire pour parvenir à couvrir la dépense. En novembre 1927, l'Etat verse une nouvelle subvention de 24500f.

 

Le fonctionnement

 

          Le 21 juin 1926, avant même l'ouverture de l'établissement, la municipalité a adopté le règlement des bains-douches dont les principaux points sont les suivants :

- le but est de répandre le goût de la propreté du corps.

- la direction appartient au maire, secondé par la commission compétente.

- la nomination du gérant de l'établissement appartient à l'administration municipale.

- la fonction de gérant consiste à recevoir et à encaisser les produits d'exploitation, à entretenir l'immeuble, le matériel, à tenir dans un état de propreté parfaite les urinoirs et les water-closets de la place Montalembert, contre la perception d'un salaire ; il doit remettre à chaque baigneur un ticket détaché d'un carnet à souche et indiquant la somme perçue ; le ticket remis comprend 2 parties, une allant dans un tronc lors de l'entrée en cabine, l'autre est gardée par le baigneur ; il tient un registre des recettes détaillées et doit verser tous les 15 jours les fonds en caisse, au receveur municipal. Son salaire est de 3000f /an, payable par douzième, chaque mois.

- ouverture : jeudi et vendredi 9h-12h et 15h-19h ; dimanche 8h-12h et le 4 de chaque mois (jour de foire) ; le gérant doit tenir le chauffage à une température constante (16-18°).

- l'entrée est interdite aux personnes ivres, aux chiens.

- interdiction de crier, de fumer, de cracher.

- les utilisateurs doivent autant que possible apporter leur linge, mais le gérant aura du savon et des serviettes à prêter moyennant paiement (qui sera au bénéfice du gérant) dont le montant est fixé par la commission.

- prix des douches 1f, des bains 2f ; demi tarif pour les enfants de moins de 13 ans.

- les bains sulfureux ne seront autorisés que sur présentation d'un certificat médical.

À la même séance, Jean Thibaud est désigné, par un vote à bulletin secret, comme préposé, gérant des bains-douches (sur 10 candidatures).

 

          La municipalité s'est inquiétée de la gestion financière de l'établissement. Déjà, en juillet 1925, elle a fait une simulation des recettes et des dépenses, à partir d'un rapport de Barrois. À raison d'une ouverture hebdomadaire de 16h (jeudi 6h, samedi 6h, dimanche 4h) pendant 52 semaines, l'établissement fonctionne 832h ; sur la base de 6 cabines de bains assurant chacune 2 bains par heure, et de 7 cabines de douches assurant 3 douches par heure, le total annuel s'élève à 9984 bains et 17472 douches ; si le prix du bain est de 1,50f et celui de la douche de 0,75f, la recette théorique maximum atteint 28080f ; on part du principe que le tiers sera réalisé, donc 9360f. Aussi porte-t-on 9000f au budget primitif de 1926 pour couvrir les dépenses de charbon (3500f), d'eau et de motopompe (1500f), de salaire du gardien (3000f), d'entretien (1000f). Le 10 septembre 1926, conformément au règlement, le conseil fixe le montant des prestations accessoires qui restent au bénéfice du gérant : savon 0,40f, serviette 0,50f, alcalin 0,40f, soufre 2,00f, bonnet 0,50f.

 

          Fin mars 1927, au bout de 6 mois de fonctionnement, on dresse le bilan de la période du 4 septembre 1926 au 1er mars 1927 : les recettes s'élèvent à 4435f et les dépenses à 6000f, soit un déficit de 1565 francs, qui est imputé au chauffage (3400f) puisque la période correspond aux mois d'hiver et à un prix excessif du charbon. Il est donc nécessaire d'augmenter les tarifs et de réduire la durée d'ouverture d'autant que la fréquentation est réduite le jeudi.

- augmentation des tarifs

▫ bain en baignoires : 2,50f au lieu de 2f

▫ douche : 1,25f au lieu de 1f

▫ le jeudi, pour les enfants de moins de 16 ans : 1,50f le bain et 0,75f la douche (et seulement ce jour-là).

- ouverture

▫ jeudi de 14h à 19h (au lieu de 9h-12h et 15h-19h)

▫ samedi 9h- 12h et 15h-19h

▫ dimanche 9h-12h (au lieu de8h-12h)

▫ l'ouverture le 4 de chaque mois est supprimée.

          En juin de la même année, le salaire du gérant est porté à 3600f. En  938, la gestion des bains-douches se solde à nouveau par un déficit, lié à l'augmentation du prix du charbon. On décide de fermer le jeudi et, à la place d'ouvrir le vendredi pour regrouper les jours de chauffe.

 

          Puis, le pays étant en guerre, un arrêté préfectoral fixe 3 jours de fermeture consécutifs (lundi, mardi, mercredi) ; en conséquence, dans sa séance du 5 mai 1940, le conseil réorganise le fonctionnement : les militaires paieront ½ tarif, viendront le jeudi matin et le vendredi matin à la place du lundi ; les enfants paieront ½ tarif le jeudi après-midi; le vendredi après-midi, le samedi et le dimanche matin le tarif entier s'appliquera à tout le monde.

          Par 2 fois en 1942 (mars et novembre) on augmente le prix des prestations. L'année 1944 se solde par un déficit de 18000f lié à une importante inflation qui entraîne une augmentation des salaires, du prix du combustible et des réparations ; aussi en avril 1945, les prix sont-ils doublés. Le déficit de 1952 est imputé au charbon : la tonne de coke qui vaut 7227f en mai 1950, passe à 11362f en Janvier 1952 et 14290f en juin 1952.

          Pourtant le conseil n'hésite pas à saisir les occasions de réduire le déficit : en octobre 1951, il donne l'autorisation d'utiliser les installations aux soldats américains, en dehors des jours réservés à la population de Ruelle (samedi et dimanche) et du jour de nettoyage (vendredi) ; on leur applique des tarifs spéciaux pour couvrir les heures supplémentaires qui ne sauraient être à la charge des Ruellois : douches 35f, bains 70f. Mais en juillet 1952, on constate que le nombre de militaires est inférieur à ce qui a été prévu avec les autorités américaines et, par conséquent, aggrave le déficit. Comme l'établissement leur est ouvert de 19h à 23h, donc 4 heures, ceci permet une fréquentation théorique de 144 hommes, à 35f par personne ; donc une somme forfaitaire de 5000f est demandée par séance.

          Le déficit, l'inflation, le coût de l'énergie, les réparations et une moindre fréquentation pour les dernières années sont les causes invoquées d'une manière récurrente pour justifier les augmentations de tarifs (voir le tableau).

           Ainsi, malgré la nécessité, pour les communes, d'équilibrer en recettes et en dépenses les services exploités en régie, la ville de Ruelle s'est heurtée à un déficit chronique, impossible à juguler, en particulier les années où le gouvernement encadre les prix des services.

 

L'entretien des installations et du bâtiment

 

          En août 1943, c'est l'alimentation en eau qui est en cause : le conseil vote un crédit de 7000f pour des réparations et l'achat d'une pompe. Aussi commence-t-on à s'interroger sur la possibilité d'un raccordement à la canalisation d'eau potable. Dans l'été 1947 il faut refaire l'étanchéité de la toiture (38000f).

          Les premiers travaux de quelque importance, ne sont réalisés qu'en 1950 ; ils sont décidés le 8 mars 1950, s'élèvent à 750000f et vont entraîner la fermeture de l'établissement pendant environ deux mois en avril-juin 1950. Il s'agit de remplacer la chaudière suite à l'éclatement de certains éléments.

Vue prise après la guerre et avant l'aménagement du jardin public qui commence en 1957.
Vue prise après la guerre et avant l'aménagement du jardin public qui commence en 1957.

 

          Cependant le bâtiment et les installations vieillissent ; des réparations et un nouvel aménagement se révèlent nécessaires. En février 1959, les travaux de réfection sont estimés à 5.500.000f (anciens), mais il s'agit d'une sous-estimation évidente car le projet présenté par l'architecte Poncelet et accepté par le conseil en octobre 1961, s'élève à 139.925,55 francs (nouveaux). Un dossier d'adjudication de 6 lots est préparé auquel s'ajoute un dossier de concours pour le chauffage. Le 3 septembre 1962, l'adjudication ne permet d'attribuer que 3 lots, sur les 6 prévus, en raison d'un manque de soumissionnaires (les prix n'étant pas suffisamment rémunérateurs) : la serrurerie à l'entreprise Debouchaud de Gond-Pontouvre, peinture et vitrerie à l'entreprise Saudoux de Ruelle, l'électricité à l'entreprise Peyronnaud d'Angoulême. Pour les autres lots il faut traiter de gré à gré avec les entreprises, mais les prix seront en conséquence un peu plus élevés ; les travaux de démolition, maçonnerie, plâtrerie, carrelage, revêtements sont confiés à l'entreprise De Bortoli d'Angoulême ; l'entreprise Fraignaud de St-Yrieix (Charente) assure les travaux de menuiserie, charpente; la zinguerie et l'étanchéité incombent à Defigeas de Périgueux. Pour le chauffage, la climatisation et le sanitaire, en octobre 1962, le conseil municipal choisit l'entreprise Gamaury de Chasseneuil (Charente). Les travaux vont commencer et on s'aperçoit qu'il va falloir démolir les murs entre les poteaux de béton ; en effet, lors de la construction initiale, on a utilisé des agglomérés de mâchefer de mauvaise qualité. À la fin de l'été 1963 tout est terminé, la réception provisoire a lieu le 3 octobre 1963 et l'établissement recommence à accueillir le public. Le coût total établi après la réception définitive du 6 février 1965, s'élève à un peu plus de 166000f en raison des travaux imprévus.

          La municipalité qui pense être tranquille pendant quelque temps avec les bains-douches doit déchanter car on s'aperçoit que le sol autour du bâtiment manque de stabilité ; il s'agit d'un défaut de la construction initiale sur une zone remblayée, le bâtiment ne reposant pas sur de bonnes fondations. En février 1966 on décide de faire des travaux de consolidation sur le pourtour du bâtiment. Le 28 juillet 1966, les travaux sont terminés et leur réception provisoire a lieu avec le maire Jean-Maurice Poitevin, Camille Vautour et Michelet, conseillers municipaux, l'architecte Poncelet et Baylet, entrepreneur de l'Isle d'Espagnac, chargé des travaux. Un an plus tard, suite à la réception définitive (en présence des mêmes, sauf Rabier qui remplace Michelet), le bilan des travaux s'établit à 24.755,45f auxquels il faut ajouter les honoraires de l'architecte (5%). Ce sont les derniers travaux importants pour l'établissement.

 

Le personnel des bains-douches

 

         Pour le public, le bon fonctionnement des bains-douches, c'est d'abord l'accueil et la propreté. Ces tâches incombent au préposé-gérant et sont précisées dans le règlement de l'établissement (cf. supra).

          Le premier préposé désigné par le conseil municipal est Jean Thibaud qui perçoit un salaire annuel de 3000f en 1926, salaire porté à 3600f (300f / mois) en juin 1927, puis à 325f par mois en juillet 1929, (cette dernière somme sera le salaire de base des préposés jusqu'en 1942). Il bénéficie d'un logement gratuit et du chauffage gratuit, mais il ne s'agit pas d'un emploi à temps complet. Jean Thibaud cesse son activité aux bains-douches, fin janvier 1932, date de son dernier salaire. Se trouve-t-il dans l'incapacité d'assurer son service ? Son successeur, Fernand Bonnaud, commence en mai 1932, (1ère paye fin mai 1932) ; entre les deux, le travail est effectué par un journalier employé à la voirie. Comme le mobilier de Jean Thibaud ne peut être enlevé que le 1er septembre, le conseil décide de payer à son successeur, pour juin, juillet et août une indemnité globale de loyer de 150f. Le nouveau préposé souhaitant rester dans sa maison avec ses enfants, prie le conseil d'autoriser M. Thibaud à demeurer dans le logement réservé au gérant des bains-douches ; celui-ci, en compensation, lui verserait le loyer convenu et s'occuperait de soigner le cheval de la commune (ce que le conseil accepte le 1er septembre 1932). Fernand Bonnaud est aidé par sa femme qui, en qualité de journalière, est chargée du nettoyage et perçoit 50f par mois.

          M. et Mme Bonnaud restent jusqu'en janvier 1940 et sont remplacés, le 1er février par Charles Bourdet qui, auparavant, était employé comme journalier à l'entretien des rues et chemins. Mme Bourdet, comme journalière, seconde son mari. En novembre 1942 le traitement de Charles Bourdet est porté à 500f (6000f / an), puis en juillet 1945 à 24000f / an, grâce à un complément de service à l'entretien des rues. En cette période d'inflation, le salaire est heureusement augmenté de diverses primes, indemnités de vie chère, indemnité de résidence, acompte provisionnel, complément provisoire de traitement, allocation spéciale… sans masquer pour autant la faiblesse du salaire de base. À partir de juin 1948, M. Bourdet ne peut plus assurer son service à la voirie pour des raisons de santé ; il conserve seulement les bains-douches, aidé de sa femme.

          En juin 1951, M. et Mme Bourdet sont démissionnaires en raison de leur âge et de leur santé. Le conseil va devoir choisir de nouveaux gérants en tenant compte de critères sociaux (situation matérielle et pécuniaire), des qualités morales, humaines et professionnelles des candidats (aptitude à la fonction, honnêteté, propreté…). Parmi 7 postulants, il se détermine pour M. André Colas et Mme Madeleine Colas sa femme. Il leur est attribué une rémunération mensuelle globale de 5000f : 3500f pour le mari et 1500f pour sa femme (qui sera portée respectivement à 4000f et 1750f au 1er mars 1952) ; ils bénéficient du logement gratuit et du chauffage gratuit, comme leurs prédécesseurs.

          Le maniement des deniers publics suscite souvent des craintes de détournement, aussi la réglementation de la comptabilité publique est-elle contraignante et charge-t-elle le percepteur, qui est en même temps receveur municipal, de veiller à une bonne organisation des conditions de vente de tickets, d'encaissement et de contrôle. Ainsi, en décembre 1945, le percepteur écrit au maire pour proposer une modification dans l'utilisation des tickets afin d'éviter des fraudes de la part des baigneurs. De même, pour éviter de tomber sous le coup des sanctions liées à une gestion de fait, une régie de recettes est mise en place en novembre 1963 avec une encaisse maximum de 500f (nouveaux francs) [1] ; le régisseur est André Colas et sa femme Madeleine Colas remplaçante.

          André Colas décède le 3 janvier 1964 ; le 25 mars sa veuve, Madeleine Colas est désignée responsable du service et sa belle-fille, Jeanne Colas, devient son adjointe. Elles perçoivent respectivement 80f et 40f / mois ; Jeanne Colas est nommée régisseur de recettes (remplaçante Mme veuve Colas) et à ce titre reçoit une allocation annuelle de 100f (240f en 1976). Elles sont toutes les deux en temps incomplet et ne perçoivent qu'un peu plus de 300f chacune en 1973. À partir de janvier 1977, le nombre d'heures de Mme Jeanne Colas passe de 65 à 82 par mois, puis à 100, au 1er avril 1979, date à laquelle Mme veuve Madeleine Colas cesse son activité. Mais en raison d'une fréquentation moindre, Mme Madeleine Colas n'est pas remplacée et le fonctionnement n'est plus assuré que par une seule personne, sa belle-fille.

 

[1] Nouveaux francs à partir du 1er janvier 1960.

 

La fin des bains-douches

 

          Dès novembre 1981 et plus sérieusement le 9 avril 1982 est envisagé un réaménagement de la place Montalembert, parallèlement à la réfection des ponts par l'Etat.

          Au conseil du 13 novembre 1983, dans le cadre de ce réaménagement, est posée la question des bains-douches. Pour 1983 les recettes s'élèvent à 15000f et les dépenses à 65000f (électricité, eau, fuel, personnel…) ; les entrées se limitent à 80 par semaine (contre 500 dans les années fastes). Les locaux sont vétustes, la chaudière et les installations sont obsolètes ; de gros frais sont nécessaires pour une remise en état alors que le bâtiment peut être supprimé "sans qu'en résulte une carence du service public". La démolition dont le devis est de 10.000f, permettrait un agrandissement du parking d'environ 15 places. Le conseil se prononce pour une démolition. Le 1er février 1984, la fermeture est fixée à la fin du mois de février 1984.

          Comme le maire et le conseil, on peut être partagé entre la nostalgie d'une époque, le regret de voir disparaître un bâtiment qui avait rendu de grands services, et le plaisir de constater que, grâce aux progrès de l'hygiène traduits dans les nouvelles normes de construction, l'existence de ce bâtiment, au demeurant peu esthétique, ne relevait plus de l'utilité publique.

 

Source

Archives municipales

- Registres des délibérations du conseil municipal.

- Dossier bains-douches.

 

Archives départementales

- Série 2 OPROV 291

- Journaux : La Charente Libre 30 décembre 1983.

 

Études : Cahiers d'Histoire de Ruelle édités par l'Université Populaire.

Illustrations : cartes postales.