La place du marché et ses abords

          La place du marché, connue aussi sous l'appellation terre-plein, qui recouvre les places dénommées Montalembert et Saint-Jacques, a eu 110 ans en 2012.

          Elle est située à peu près à mi-distance des extrémités ouest et est de la commune, près de l'entrée principale de la Fonderie et du passage obligé que constitue le pont de la route d'Angoulême à Limoges, pont qui relie les deux parties de Ruelle, séparées par la Touvre. Cette place s'étend à la limite de la pointe nord de la commune de Magnac-sur-Touvre , ce qui ne fut pas sans  conséquence lors de sa construction ou des aménagements ultérieurs. Cependant, la longueur des discussions, lors de l'élaboration du projet, ne correspond pas qu'à des difficultés administratives, elle est aussi la traduction de rivalités internes au conseil municipal, reflétant celles d'une partie de la population.

         Place centrale, réalisée d'abord pour des raisons économiques et utilitaires, elle n'en a pas moins été l'objet de préoccupations esthétiques au cours de ses transformations successives.

 

La création du marché

          En 1839, Ruelle a des foires aux bestiaux, mais il n'existe pas encore de marché. Or, en ce milieu du XIXème siècle, le nombre d'ouvriers de la Fonderie a doublé. Vendre des produits de l'agriculture locale comme des légumes, des fruits et des volailles, à la population ouvrière ne manque pas d'intérêt, aussi, en août 1866, le conseil municipal demande-t-il la création d'un marché, une fois par semaine, le jeudi, afin de faciliter ce commerce. Mais la réponse du préfet se fait attendre car, un an plus tard, le 12 août 1867, le conseil renouvelle sa demande qui est réitérée le 3 octobre de la même année. La création est accordée car le marché apparaît dans l'Annuaire de la Charente de 1868 et le 7 mars 1869, le conseil décide de fixer un droit de plaçage de 15 centimes par mètre courant occupé par les marchandises et de 5 centimes pour celles tenues à la main. Cependant, le 13 février 1870, la commune demande au préfet de reporter le jour du marché, au dimanche et ce changement est mentionné dans le nouvel Annuaire de la Charente publié pour 1870. Dans la délibération du 12 août 1892, il est indiqué que le marché a lieu à la fois le jeudi et le dimanche, alors qu'il n'apparaît plus dans l'Annuaire de la Charente depuis quinze ans.

          Mais où l'a-t-on installé ? Il se tient sur la nationale 141 : les marchands sont placés sur les trottoirs, de chaque côté de la voie publique qui sert d'allée aux acheteurs, sur une longueur de 130 m, de l'entrée de la Fonderie jusqu'au carrefour situé après le 2ème pont, du côté de Limoges. Les acheteurs doivent se garer quand arrive un véhicule, aussi n'est-il pas rare que des incidents, voire des accidents se produisent. La construction d'un lieu spécifique garantissant la sécurité et facilitant la vente, devient une nécessité.

Les premiers projets de terre-plein ou 8 ans de luttes internes et d'entêtement

1er projet : du rectangle au grand trapèze entre les deux ponts

          Il serait vain de confondre nécessité et urgence, car ce n'est qu'au conseil du 9 novembre 1890 qu'il est décidé de prendre en considération le projet de marché devant la Fonderie, projet élaboré par Théodore Duverger, et de charger le maire de prendre les renseignements et les mesures qui permettent de mener à bien sa réalisation. Dès le 14 décembre 1890, Duverger présente un plan et un devis approximatif; le conseil décide de passer au vote pour savoir quelle suite doit être donnée : sur 15 votants, 7 sont pour et 8 demandent l'ajournement jusqu'à ce que les travaux en cours soient terminés pour connaître la situation budgétaire de la commune. Le projet doit attendre encore un peu.

           Pourtant, le 7 juin 1891, le conseil décide par 11 voix contre 4, d'affecter une somme de 4000f à ce projet et prie le préfet de vouloir bien faire le nécessaire auprès du ministre de la Marine pour obtenir l'autorisation de cette construction (la Marine est propriétaire des eaux de la Touvre sur 200m en amont du pont). Le 1er adjoint, Pierre Victor Rossignol, "déclare ne pas prendre part au vote bien qu'il soit partisan de la construction du marché, il se tient entièrement à la teneur de la délibération du 14 décembre 1890… et signale que cette œuvre emploie tous les fonds disponibles de la commune ; il fait remarquer en outre que l'emplacement où doit être construit le marché appartenant à la Marine, devrait être abandonné à la commune avant de commencer aucune démarche".

           L'élaboration du plan a-t-elle été difficile ? La lettre du maire, Delémery, avec le plan du marché projeté et la demande d'autorisation de la Marine n'est envoyée au préfet que le 16 novembre 1891. Le terre-plein est un rectangle de 40m sur 20m, construit sur la Touvre entre les deux ponts, adossé à la route de Limoges et se terminant au sud par un talus incliné plongeant dans la rivière (plan n°1).

          Le 4 avril 1892, le préfet transmet au maire la réponse du ministre de la Marine ; celui-ci ne met pas d'opposition mais précise quelques exigences afin que soient sauvegardés les intérêts de la Marine et maintenues en vigueur les dispositions de l'acte du 19 juillet 1777 aux termes duquel la propriété du réservoir d'amont de la fonderie de Ruelle aurait été réservée à cet établissement :

1) afin de ne pas étrangler le chenal de la rivière du côté du bras d'Angoulême (coupe AB du plan n°1) la direction du mur du terre-plein devra être modifiée ;

2) la commune de Ruelle n'aura au moins provisoirement que l'usage et non la propriété définitive du terre-plein qu'elle doit établir à ses frais; elle sera tenue de construire solidement en maçonnerie les murs du quai, d'exécuter les remblais, prendre l'engagement d'entretenir le tout en bon état ;

3) au cas où la propriété du terre-plein serait abandonnée à la commune, celle-ci n'aurait aucun droit sur le bassin d'amont auprès du terre-plein ;

4) il sera interdit de jeter dans la Touvre les détritus, ordures, produits du balayage provenant du marché ou du terre-plein.

Le terre-plein prend donc la forme d'un trapèze (voir plan n°1) pour respecter les exigences de la Marine et les indications des services hydrauliques.

 

Un terre-plein entre les 2 ponts ou près du pont, du côté du Bourg ?

          À la suite des élections de 1892, Duverger n'est plus membre du conseil et le maire a changé ; le 27 août 1893, un nouveau projet qui précise le précédent, est déposé par Reffaud (plan n°2) ; il s'élève à 8500f.

          Une commission chargée des travaux à exécuter est nommée, elle comprend Pontaillier, Reffaud, Doris et Guimard. Le 31 août, Pontaillier présente un devis qui atteint 18000f ; en raison de la différence avec celui de Reffaud, le conseil ajourne la séance. À la réunion du 18 septembre sont étudiés les propositions de 2 entrepreneurs : l'une de Texier (entrepreneur à Angoulême) d'un montant de 9000f, l'autre de Chapeaublanc (de Ruelle), de 8725f. Le conseil demande alors au préfet la mise en adjudication du terre-plein. Mais l'ambiance se détériore singulièrement dans cette séance : Pontaillier démissionne de la commission des travaux du terre-plein parce que celle-ci ne s'est pas réunie et qu'il n'a pas été informé des travaux des autres membres; il fait remarquer qu'une partie du projet empiète sur Magnac, aussi refuse-t-il de signer la délibération d'autant plus que le terre-plein sera trop exigu et peu esthétique. Il préfère qu'il soit construit à côté du corps de garde et que le lavoir soit déplacé ; c'est l'objet de son dépôt de projet le 18 novembre 1893.

          Le 24 janvier 1894, une lettre du préfet au maire, précise que d'après le plan cadastral des communes de Ruelle et de Magnac, la limite entre les deux est parallèle à la tête amont des anciens ponts de Ruelle et passe à 15,50m au sud du parement du parapet des ponts actuels. Il s'ensuit qu'une bande de 9,50m de largeur est sur Magnac. Le conseil municipal devra se prononcer à nouveau sur le projet, il n'est pas admissible d'établir un marché sur un emplacement qui ne serait pas en entier sur le territoire de Ruelle.

          À la séance du 22 février 1894, Pontaillier reprend le projet qu'il a déposé en novembre 1893 et développe longuement son argumentation (10 pages du registre des délibérations).

          Il fait d'abord l'historique du projet envisagé par la majorité du conseil, construction d'un terre-plein sur la Touvre, entre les deux ponts actuels, recouvrant une partie des vestiges de l'ancien pont (supprimé en 1842), et attire l'attention sur des points critiquables : le conseil municipal a approuvé un devis de 8500f pour une surface de 750m² (soit 11,33f / m²) et une partie de la construction est située sur Magnac (voir plan n° 3 qui comporte une erreur de numérotation pour la route de Limoges et une limite de communes erronée).

          Ensuite, il précise où il veut construire le terre-plein : il a choisi l'emplacement du lavoir public, une partie de la Touvre et du déversoir, derrière la maison de la Fonderie occupée par un des gardes (plan n°3) ; il y aurait 2 grandes entrées : une à côté du pont des digues (pont côté Limoges), l'autre entre la maisonnette du garde et la maison Marsat (actuellement Studio photographique) ; il aurait une surface de 1700m², serait limité au sud par le lavoir déplacé, à l'est par le jardin Marsat, à l'ouest par la Touvre, pourrait être limité par un talus en remblai ou un mur. Il fournit 3 devis en fonction de l'option retenue : terre-plein avec talus en remblai à 45°, 3400F ; terre-plein avec talus maçonné, 4500f ; terre-plein avec murs, 6800f soit dans ce cas 4f / m² (cette option a sa préférence). Il montre les avantages du 2ème emplacement sur le 1er : il est entièrement sur Ruelle ; il permettra de libérer complètement la voie publique et d'éviter les accidents, ce qui ne sera pas possible pour le 1er ; en effet il fait le calcul que les marchandises occupent 520m² (2m de large de chaque côté de la 141 sur 130m) et les acheteurs 780m² (la largeur de la 141, 6m, sur 130m de long) soit au total 1300m² ; avec 750m², il sera donc trop exigu, et son coût est plus élevé. Pontaillier met en avant d'autres arguments qui ne manquent pas de pertinence: l'autre projet gênera la circulation des eaux et par conséquent la marche des turbines de la Fonderie; d'un point de vue esthétique, il aura l'inconvénient de rompre la ligne droite et la perspective ; lors de manifestations sur l'eau (feu d'artifice…), les spectateurs seront gênés par les personnes placées sur l'avancée du marché, et enfin, il représentera un danger, notamment pour les enfants, en facilitant l'accès aux vases par son talus en remblai, incliné à 45°. Pour terminer, il précise que le lavoir actuel (côté rue du Bourg) est sans eau les ¾ du temps et qu'un déplacement de celui-ci, avec l'emplacement qu'il préconise, améliorera la situation.

          Évidemment Reffaud critique le projet de Pontaillier qui n'a pas reçu l'accord des Ponts et Chaussées et de la Marine, alors qu'il a été obtenu pour le 1er emplacement ; il évoque le problème des riverains en cas de déplacement du lavoir…en conséquence il se prononce contre ce projet, ainsi que Rossignol. Les résultats du vote secret sont défavorables au projet de Pontaillier (8 non, 3 oui, 5 blancs). Le conseil demande donc au préfet que les commissions de Ruelle et de Magnac puissent se réunir et se concerter sur la construction du terre-plein selon le 1er emplacement (entre les 2 ponts) ; à cet effet, sont désignés pour la commission : Reffaud, Albert (maire) et Dutheil. Mais rien ne se passe avant les élections municipales de 1896 qui apportent un changement de majorité : Pontaillier est élu maire avec une voix de plus que l'ancien maire, son concurrent ; sa majorité est donc très fragile, voire aléatoire.

          À la réunion du 8 novembre 1896, Reffaud, qui s'est constamment opposé à Pontaillier, présente un projet de terre-plein à construire sur l'emplacement accepté par la Marine, c'est à dire entre les 2 ponts. Il reprend l'historique de la question, regrette que l'exécution qui semblait pouvoir se faire rapidement, ait été l'objet de nombreuses discussions au précédent conseil, discussions qui n'ont servi "qu'à maintenir un état de choses très gênant" et rappelle que la réalisation d'un marché a été inscrite dans le programme des élections municipales. Sa proposition reprend les projets précédents : le terre-plein aura une largeur de 40m avec profondeur de 20m, faisant un angle de 68° à l'ouest selon les observations de la Marine ; pas de mur dans la partie sud, seulement une clôture en fer ; le niveau du terre-plein sera en dénivelé de 1,10m par rapport aux trottoirs de la route de Limoges et à 0,40m au dessus du plan des plus hautes eaux ; il recevra en son milieu un escalier en pierre dure de Vilhonneur, de 4m de largeur. La dépense totale sera de 6000f. L'exécution du travail pourra être faite sans créer aucun impôt, en 4 annuités de 1500f ; le produit du plaçage des voies et places publiques qui vient d'être mis en adjudication pour 4 ans a donné une plus-value annuelle de 1200f qui pourrait être affectée au paiement. Ensuite Reffaud justifie les choix : le terre-plein est à proximité de la porte de la Fonderie, où journellement, au moment de la sortie des ouvriers, les marchands forment le cercle ; si le marché est plus loin, certains qui vont dans une direction opposée ne s'y rendront pas. Il est situé à un endroit accepté par la Marine, ce qui n'est pas le cas de l'emplacement s'étendant derrière la maison des gardes. Il n'est pas au niveau de la route pour ne pas cacher la vue d'une rive à l'autre et coûtera moins cher par cette limitation de l'élévation des murs.

          Les escaliers ne permettent pas l'accès d'un véhicule, mais c'est le cas de beaucoup de marchés couverts, et on peut aussi les remplacer par une pente douce. Quant à l'objection qu'une partie est sur Magnac, l'emplacement appartient à la Marine qui autorise la construction, en conséquence Magnac ne pourrait être admise à percevoir des droits sur un terrain qu'elle ne possède pas (l'argument ne s'appliquerait-il pas à Ruelle ?).

          Tout le monde admet la nécessité du marché ; Pierre Rossignol dit qu'il faut se décider et ne pas revenir sur le choix de  l'emplacement ; le projet est voté à l'unanimité avec une petite modification à la demande du maire : on remplacera l'accès central par un escalier à chaque extrémité.

          Le 11 novembre, le maire, Perot (2ème adjoint) et Reffaud se rendent à la préfecture pour évoquer divers problèmes dont la construction du terre-plein.

          Le préfet rappelle sa lettre du 24 janvier 1894 qui refuse l'établissement du marché entre les deux ponts parce qu'il empiète sur Magnac ; Ruelle ne sera pas autorisée à percevoir des droits sur une autre commune, donc il faut rechercher un autre emplacement (propos confirmés dans une lettre du 16 novembre 1896).

          À la séance du 14 novembre, le conseil est informé des décisions du préfet ; on reprend l'étude du projet de Pontaillier : marché près de la maisonnette des gardes de la Fonderie, déplacement du lavoir… en fin de mandat on envisage un agrandissement sur la Touvre et même une petite partie entre les deux ponts.

          Aurait-on abouti à un compromis ? Mais des promesses électorales sont mises en jeu. Le conseil se divise ; les membres issus du précédent conseil reprochent au maire d'avoir soulevé le problème lors de l'entrevue avec le préfet pour torpiller le projet (ce qui n'est peut-être pas sans fondement). Il n'est pas possible d'aboutir à un accord, il est décidé de transmettre la délibération au préfet qui choisira l'emplacement.

          En réponse, le 15 janvier 1897, une nouvelle lettre du préfet confirme que le projet ne sera pas autorisé s'il n'est pas entièrement sur Ruelle.

 

Mais où est la limite de Ruelle ?

 

Pour sortir de l'impasse, le 23 mai 1897, Reffaud présente une nouvelle mouture du projet entre les deux ponts, s'élevant à 5800f; la profondeur est limitée à 15,50m afin de rester sur le territoire de Ruelle et de respecter les exigences du préfet. Le marché se réduit à un petit trapèze (plan n°4).

Mais la limite des communes indiquées sur ce plan correspond-elle à la réalité ? Les croix qui la symbolisent, longent étrangement les constructions du côté de Magnac, et sont dans le prolongement du côté sud du terre-plein projeté. Le 17 juin 1897, le Directeur des Contributions directes et du Cadastre envoie une copie d'extraits des PV de délimitation des deux communes.

 

Extrait du procès-verbal de délimitation du territoire de la commune de Ruelle

"L'an 1822, le 21ème jour du mois de décembre, nous géomètre de 1ère classe (Lacombe), nommé par le préfet du département de la Charente pour procéder conformément aux instructions du ministre des Finances à la reconnaissance des lignes de circonscription des communes du canton d'Angoulême 2ème partie, nous sommes transporté, accompagné du Contrôleur des Contributions directes, au chef-lieu de la commune de Ruelle, en la mairie où nous avons trouvé M. Jean Vantenat maire de la dite commune de Ruelle, M. Hugues Tétaud adjoint et François Pinassaud et Jean Gautier indicateurs nommés par lui, ainsi que les maires, adjoints et indicateurs des communes ci-après désignés, convoqués et assemblés pour constater contradictoirement la démarcation du territoire de la commune de Ruelle.

… article 5 : limites avec la commune de Magnac … parvenus à la dite rivière (la Touvre), il a été reconnu qu'elle séparait le territoire de Ruelle de celui de Touvre au sud-est et de celui de Magnac au sud [1] , nous avons ensuite reconnu d'après l'indication des maires et des indicateurs de Ruelle et de Magnac que la ligne de démarcation qui sépare ces 2 territoires au sud de la commune de Ruelle est formée par la rivière de Touvre jusqu'au pont de Ruelle et suit le dit pont et par suite le Grand chemin y passant jusqu'à la rencontre du chemin qui conduit du dit pont de Ruelle à Soyaux et suit le dit chemin jusqu'au canton de la croix du Boulet [2] .

Parvenus au dit canton, il a été reconnu qu'il séparait le territoire de la commune de Ruelle de celui de Magnac au sud et de celui de L'Isle au sud-ouest, et nous avons clos cette partie de notre procès-verbal que le maire de Magnac, le maire de L'Isle ainsi que les indicateurs de chacune de ces communes ont signé avec le maire et les indicateurs de la commune de Ruelle.

Le maire et les indicateurs de la commune de Magnac ; signé Petit maire, Pierre Tessier, Jean Vignaud

Le maire et les indicateurs de la commune de Ruelle ; signé J. Vantenat fils, Pinassaud, Jean Gautier

Le maire et les indicateurs de la commune de L'Isle ; signé de Lunesse, maire, Gibaud, Augeraud."

 

Extrait du procès-verbal de délimitation du territoire de la commune de Magnac

"L'an 1823, le 10ème jour du mois de décembre, nous géomètre de 1ère classe (Lacombe), nommé par le préfet…, nous sommes transportés … au chef-lieu de la commune de Magnac, en la mairie où nous avons trouvé M. Petit, maire de la dite commune de Magnac…

Article premier ; limites avec la commune de Ruelle

Partant du canton appelé la Croix du Boulet, nous avons reconnu d'après l'indication du maire et des indicateurs de la commune de Magnac et en présence des maires et des indicateurs de la commune de Ruelle que la ligne de démarcation qui sépare les deux territoires, au nord de la commune de Magnac est fournie par le chemin qui conduit de Soyaux au pont de Ruelle jusqu'à la rivière de Touvre sur laquelle ledit pont est établi ; dudit pont la ligne séparative remonte le cours de la dite rivière jusque vis-à-vis un peuplier situé sur la rive gauche de la dite rivière dans la propriété de M. Guénard, percepteur à Ruelle…"

 

Il suffit d'observer le dernier plan de Reffaud (plan n°4) pour constater qu'il n'y a pas coïncidence avec les données des procès-verbaux ; de plus, pour aggraver la situation, arrive une pétition de 425 signatures s'opposant à une construction sur Magnac, demandant l'application des plans cadastraux en tenant compte des limites réelles des communes.

Le conseil municipal, réuni extraordinairement au sujet de la pétition, le 4 juillet 1897, se divise une nouvelle fois d'autant que des conseillers ont été élus sur un programme qui comportait la création d'un terre-plein au milieu de la Touvre. Reffaud, Rossignol adjoint, Pierre Rossignol veulent passer outre la pétition et soupçonnent le maire d'avoir fourni des renseignements aux pétitionnaires ; mais celui-ci réfute l'accusation : il n'a pas eu besoin de le faire puisque les séances sont publiques. On n'hésite pas à verser dans la mauvaise foi : Reffaud conteste les limites définies en 1822 ; Pierre Rossignol dit qu'il vaut mieux s'en rapporter aux ingénieurs des Ponts et Chaussées d'aujourd'hui qu'à un géomètre de 1822. Guinard affirme que le conseil maintient son vote, mais vu l'exiguïté de la partie sur Ruelle et par esprit de conciliation, ne s'oppose pas à l'agrandissement du marché qui fera l'objet d'un projet à étudier ; le maire s'associe aux propos de Guinard et précise que c'est par esprit de conciliation qu'il avait proposé le 2ème emplacement le 23 mai, mais que le conseil a refusé. Pérot propose qu'on choisisse l'emplacement que le maire avait défendu antérieurement pour 9000f. Alors Albert rappelle qu'il y a une autorisation pour construire entre les 2 ponts ; mais Pérot rétorque qu'elle est précaire et que le terrain peut être repris… On en revient au sujet initial qui est la pétition remettant en cause le projet entre les 2 ponts ; par un vote largement majoritaire (13 voix contre 5) le conseil décide de ne pas en tenir compte.

 

Le 7 septembre 1897 une lettre du préfet précise la délimitation des 2 communes, à partir d'élément fournis par l'Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées dans son rapport du 17 juillet ; les limites sont déterminées de la manière suivante :

▫ à l'ouest par l'axe du chemin de Soyaux à Ruelle

▫ au nord par l'axe de la chaussée de l'ancien pont de la route nationale (les piles de l'ancien pont apparaissent encore sous l'eau)

▫ au nord-est par une ligne passant par le milieu de la Touvre.

Le préfet rappelle les lettres du 24 janvier 1894 et 14 novembre 1896. Quand le conseil sera en mesure de présenter un projet conforme aux conditions, il devra voter les ressources exceptionnelles pour l'exécution.

 

Et si on vérifiait les limites de la commune !

 

          Le 3 octobre 1897, le conseil nomme une commission de 5 membres : Rossignol adjoint, Reffaud, Guinard, Renaudet, Denis pour traiter du problème et le 29 octobre le maire apprend avec stupéfaction et amertume que celle-ci s'est rendue la veille à la préfecture, sans l'avoir prévenu de la démarche ; aussi écrit-il "ce qui démontre qu'à cette visite on voulait dire des choses inexactes pour que le maire ne puisse les relever". Le conseil est plus que jamais un panier de crabes. Le 21 novembre 1897, il confirme les pouvoirs donnés aux 5 membres de la commission, la mission de se joindre au maire pour faire hâter les projets en cours, pour aller voir le préfet avec lui et pour s'occuper de la délimitation des communes. Il sollicite une vérification des limites puisque les dernières indications (axe de l'ancien pont) sont différentes des précédentes et réduisent de moitié la largeur utilisable. Mais le préfet qui n'a vraisemblablement pas envie de faire de cadeaux au conseil municipal demande le 4 janvier 1898 s'il accepte de payer les frais de déplacement des agents chargés de vérifier les limites des communes ; le crédit correspondant est voté dès le 16 janvier et les agents commencent leur travail au début de février.

 

          Le 25 février 1898, le Contrôleur principal envoie à son supérieur, le Directeur des Contributions directes de la Charente, le compte rendu de sa mission de vérification :

"J'ai l'honneur de vous informer que conformément à votre lettre n°225 en date du 28 janvier dernier je me suis rendu à Ruelle le 2 février, à midi, dans le but de reconnaître sur le terrain, les limites entre les 2 communes de Ruelle et de Magnac aux abords du pont sur la Touvre. Ont assisté à cette vérification : M.M. Pontaillier maire, Rossignol adjoint, Reffaud, Guinard, Renaudet, Denis, conseillers municipaux, pour Ruelle, et M.M. Guyot adjoint au maire, Tronchère, Caillaud, Couret, Cardinaud conseillers municipaux, pour Magnac J'ai d'abord donné connaissance à ces messieurs du procès-verbal de délimitation de ces communes dont le texte est le suivant … (suit un extrait du procès verbal de 1822, rapporté supra)

Je leur ai communiqué ensuite le tableau des indicatifs de la longueur des lignes, de l'ouverture des angles et des directions qui déterminent la véritable circonscription de la commune de Ruelle et de celle de Magnac pour faire suite au procès-verbal de délimitation. Les résultats de ces tableaux sont les suivants :

- partant du canton de la Croix du Boulet au pont de Ruelle 744m

- du chemin d'Anteroche chez Grelet (ancien chemin de Soyaux), au milieu du pont 85m

- du pont de Ruelle jusque et vis-à-vis le peuplier dont il est parlé au procès-verbal 1840m.

Après avoir fourni à ces messieurs toutes les explications nécessaires au vu du plan cadastral de la commune de Ruelle, nous nous sommes tous rendus sur les lieux, c'est-à-dire à l'entrée de l'ancien pont dont les piles apparaissent encore sous l'eau et j'ai fait tout mon possible pour démontrer que de tous les documents précédemment communiqués, il résulte que la ligne qui sépare les deux territoires de Ruelle et de Magnac aux abords du pont sur la Touvre, partant de la Croix du Boulet, suit le chemin de Soyaux sur une longueur de 744m et jusqu'au point A, en face duquel se trouve encore une borne sur le prolongement du côté gauche du chemin; de ce point A déterminé par la rencontre de l'axe du chemin de Soyaux et l'axe de l'ancien pont et par suite du chemin de La Rochefoucauld y passant, la ligne se poursuit jusqu'au point B sur une longueur de 85m (le point B étant déterminé par le milieu de l'ancien pont et le milieu de la rivière de la Touvre), à partir du point B la ligne suit le milieu de la rivière et se prolonge sur une longueur de 1840m jusqu'au point C qui se trouve en face et à une distance de 52m du peuplier dont il est question au procès-verbal de délimitation…

En ce qui concerne l'indemnité qui me reviendrait pour le temps que j'ai consacré à cette vérification et pour les frais qu'elle m'a occasionnés, indemnité dont le conseil municipal de Ruelle a voté les fonds, je vous serais particulièrement obligé, Monsieur le Directeur, si vous vouliez bien m'autoriser à n'en réclamer aucune, trop heureux, en raison des excellentes relations que je n'ai jamais cessé d'avoir avec les municipalités des deux communes intéressées, si par mon intervention, j'avais pu ramener l'union momentanément compromise entre ces deux communes voisines dont les intérêts sont connexes et les relations quotidiennes. Veuillez agréer, Monsieur le Directeur, l'assurance de mon respect et de mon entier dévouement ;

Le Contrôleur principal, signé Adroher "

 

          Le conseil de Ruelle méritait-il une telle abnégation de la part du Contrôleur principal ?

          Le 6 avril 1898 une lettre du préfet précise les limites des 2 communes à partir des rapports fournis par les services des Contributions Directes et par l'Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées (dans son rapport du 26 mars 1898 qui confirme celui qu'il avait établi le 17 juillet précédent) ; il apparaît que l'axe de l'ancien pont, limite des deux communes, "se trouve à 8m de la tête du nouveau pont et non à 15,50m [3] comme le croyait le conseil de Ruelle". En conséquence, le terre-plein ne sera autorisé que si la profondeur ne dépasse pas 8m.

 

[1] Comprendre que la Touvre séparait les territoires de Ruelle et de Touvre au sud-est, de celui de Magnac au sud.

[2] La croix du Boulet était située au carrefour du chemin allant du pont de Ruelle à Soyaux, avec le chemin menant à Relette et celui qui longeait l'ancien terrain d'aviation.

[3] Distance fournie par les services de la préfecture en janvier 1894 !

 

Le projet définitif

Un projet de compromis

 

          À la séance du 24 avril 1898, le conseil prend connaissance des dernières informations concernant la délimitation des deux communes. En raison du peu de largeur utilisable, le maire rappelle son projet de marché sur l'emplacement de la maisonnette des gardiens de la fonderie. Rossignol, l'adjoint, propose de voter la construction du terre-plein sur les 8 m restants, sur le terrain de la maisonnette des gardiens et de compléter par l'agrandissement des ponts ; Reffaud signale qu'il a dessiné le croquis d'un emplacement, d'un bout à l'autre des ponts réunissant les deux projets ; le marché est tout en longueur mais on reconnaît enfin l'inconvénient de l'avancée dans la Touvre qui résultait de la seule construction entre les deux ponts. Parachon propose que Reffaud et le maire, chacun porteur d'un projet, se mettent d'accord. Le conseil penche pour la conciliation, charge Reffaud et le maire de dresser un plan d'ensemble comprenant la partie entre les deux ponts, l'emplacement de la maisonnette et un agrandissement des ponts (en largeur) pour réunir les deux parties. Va-t-on enfin sortir de l'impasse provoquée par l'entêtement des deux camps ?

          Mais de nouveaux problèmes apparaissent avec le terrain de la maisonnette qui appartient à la Marine. Pourquoi cette maisonnette [1] a-t-elle été construite hors de l'enceinte et sur l'ancienne route de Limoges ? En fait, elle remplaçait une construction supprimée en raison du tracé de la nouvelle route. Mais la commune, aurait-elle des droits sur les lieux ?

 

[1] La maisonnette a servi de corps de garde lors de la Révolution de 1848 et au début de la 2ème République.
Le tracé de l'ancienne route, avec l'ancien pont. (Extrait de Histoire de la Fonderie nationale de Ruelle de P. Conturie.)
Le tracé de l'ancienne route, avec l'ancien pont. (Extrait de Histoire de la Fonderie nationale de Ruelle de P. Conturie.)

 

          Au conseil du 29 novembre 1898, le maire est chargé de faire aboutir la revendication des droits de la commune (encore faut-il qu'il y en ait !) et le préfet est prié d'intercéder auprès du ministre de la Marine et du ministre des Finances pour que la commune recouvre ses biens. À cette même séance est accepté le plan général des travaux projetés (plan n° 5), et voté un crédit pour commencer par la partie entre les 2 ponts 300 m² (partie A) et la partie où se trouve la maisonnette 600m² avec alignement de la 141 (B) ; les autres parties du projet seront exécutées ultérieurement : élargissement du pont pour réunir les 2 parties (C) ; remblaiement derrière la maisonnette (D), élargissement du pont du côté du Maine Gagnaud (E). Par mesure de sécurité un parapet délimite le terre-plein dans les parties qui surplombent la Touvre. Un devis du mois d'août s'élève à 18572,20f (sans tenir compte de la maisonnette).

          Tout semble aller pour le mieux, les travaux vont pouvoir être lancés, mais c'est sans compter avec les difficultés liées à l'appropriation du terrain appartenant à la fonderie et à la résurgence épisodique des tensions à l'intérieur du conseil.

 

L'appropriation du terrain

 

          Une lettre du ministre de la Marine au préfet, datée du 2 mars 1899, consent à l'exécution des travaux du terre-plein, mais formule une réserve au sujet de la cession de l'emplacement B et de la maisonnette. Il y aura lieu de faire un échange avec la commune de Ruelle d'un terrain d'égale valeur. En avril, la commune propose d'échanger avec la Fonderie une partie du terrain Favet (F du plan n° 6), permettant de prolonger en ligne droite le mur de clôture à l'angle du chemin du champ d'épreuves, une bande récupérée sur la largeur de l'impasse restant de l'ancien chemin de Grande Communication n°23 (E du plan n°6), de reconstruire le mur de clôture (montant prévu dans le projet de terre-plein) contre tout droit sur la maisonnette et le terrain du lavoir du pont. En réduisant à 6m la largeur de l'ancien chemin n°23, la commune, non seulement récupère 192m², mais se débarrasse d'une zone toujours encombrée de détritus où stationnent souvent des nomades.

          Au début d'août 1900, le ministre des Finances fait savoir qu'il n'est pas hostile à l'opération d'échange, mais que les conditions actuellement sont contraires aux intérêts du Trésor (échange d'un terrain de 196 m² contre un terrain bâti de 240m²). La municipalité doit consentir à payer la soulte qui sera déterminée par une expertise contradictoire. L'estimation par les Domaines pour le logement des gardes des eaux de la Fonderie et des dépendances est de 1755,42f. Le conseil prend l'engagement de payer la soulte.

          La lettre du maire du 14 août 1900, au ministre de la Marine, recèle des renseignements intéressants à plus d'un titre : non seulement elle transmet une copie de la délibération du 12 août 1900 par laquelle le conseil prend l'engagement de payer la soulte qui sera fixée par l'expertise, mais encore apporte un éclairage sur la vie municipale : il indique que pendant plus de 20 années et ce jusqu'en 1892, la commune a été divisée en 2 factions à peu près égales, séparées par la Touvre [1]. "Cette division était arrivée à un stade tellement aigu que les affaires devenaient impossibles et les discussions si vives que des désaccords étaient survenus entre les membres de la même famille. Des fraudes électorales s'étaient produites [2]. Dès mon entrée au conseil, en 1892, les esprits se sont apaisés et aujourd'hui, par suite du projet d'agrandissement du marché, la conciliation est faite [3]; mais ce qu'il faut, c'est la maintenir. La réalisation du projet est la seule solution qui puisse faire disparaître définitivement toute division et empêcher le rétablissement de deux camps rivaux. L'adoption du projet aura pour conséquence le retour à une concorde salutaire…" Il ajoute que l'échange mettra un terme à toutes les difficultés au sujet de l'alignement de la route, au sujet de l'ancien corps de garde et a pour but de ne pas obliger la commune à demander l'accomplissement des formalités de la déclaration d'utilité publique et doit même assurer le libre passage du tramway qui va être mis en exploitation, les travaux étant achevés.

          Par décision du 15 mars 1901, le ministre des Finances autorise la passation de l'acte d'échange de 4 parcelles de terrain d'une valeur de 5103,70f situés à Ruelle et précédemment affectés à la Marine [4], contre 2 parcelles [5] d'une valeur de 2779,78f appartenant à la commune, à charge par celle-ci de verser une soulte de 2323,92f à la caisse des Domaines.

          Tout semble sur le point d'être réglé, mais la somme est importante ; n'y aurait-il rien à récupérer en ce qui concerne la déviation du chemin de Grande Communication n°23 ? N'ayant rien trouvé dans les archives de la mairie, le maire demande à la préfecture une copie de la convention qui a dû intervenir entre la Fonderie et la commune pour la cession du sol du chemin de Grande communication n° 23 entre le pont de Ruelle et le Quartier Neuf (rive droite) ; il n'a pas trouvé non plus de traces ni de délibération ni d'autorisation de déclassement. La réponse des services des Ponts et Chaussées arrive en septembre 1901. La question de la déviation du chemin n° 23 a été tranchée en 1882 ; les travaux (du Quartier Neuf au Maine Gagnaud) ont été remis par l'administration de la Marine le 29 août 1885 et livrés à la circulation aussitôt après cette date. Aucune formalité n'a été remplie au sujet de l'échange entre la commune et la fonderie. Cette déviation est devenue la propriété de la commune de Ruelle par suite de la remise qui en a été faite à l'administration. Quant à la partie abandonnée elle s'est trouvée déclassée de fait, sans avoir été aliénée régulièrement, mais cette aliénation s'imposait attendu que la Fonderie n'a effectué la déviation que pour s'approprier le sol de l'ancienne voie. Il n'y a donc rien à espérer de ce côté-là.

          La commune qui a démoli la maisonnette près du pont (K), l'a fait reconstruire sur un terrain situé près de la route du champ d'épreuves (H du plan n° 6) ; elle l'échange avec la fonderie contre les parcelles E et F du plan n° 6, objets de l'échange initial. En septembre 1902, le maire invite le directeur de la Fonderie à prendre possession de la maisonnette, avant même la régularisation de l'opération. Celle-ci aurait-elle tardé ? En janvier 1923, la commune doit désigner un expert (l'architecte départemental Baleix) pour la régularisation des échanges de terrains de 1901-1903, avec la Fonderie.

 

[1] Par exemple, l'école et la mairie devaient-elles être construites au Maine Gagnaud ou près du Bourg (à l'est du Champ de foire) ? La victoire des tenants de la 2ème solution aux élections de 1884 décida du lieu d'implantation.

[2] En 1881

[3] Le maire ne manque ni de prétention ni d'optimisme

[4] Emplacement de la maisonnette, zone derrière celle-ci à remblayer, élargissement des 2 ponts, terre-plein entre les 2 ponts

[5]Parcelles E et F du plan n° 6

 

Carte postale éditée avant les travaux du terre-plein ; on voit les arches en anse de panier des ponts.
Carte postale éditée avant les travaux du terre-plein ; on voit les arches en anse de panier des ponts.

 

La réalisation

 

          En mai 1900, est nommée une commission pour dresser le cahier des charges de la construction du marché ; elle comprend Tallon, Rossignol Victor, Denis, Amiot, Fradet. En novembre, le conseil renouvelle les pouvoirs du maire pour accélérer la construction du terre-plein et vote l'autorisation de l'emprunt. Mais il ne faudrait pas en déduire que la concorde règne sans partage dans l'assemblée municipale. En août 1901, des conseillers membres de la commission menacent de démissionner si, dans l'exécution, il n'y a pas inversion des parties D et E (du plan n°5) ; mais le maire ne va pas dans ce sens car le projet a reçu l'aval du préfet, de 5 ministères et a été l'objet d'un décret du Président de la République… Finalement le maire prend l'engagement de faire l'ensemble au plus vite.

          Cependant la hache de guerre n'est pas enterrée pour autant. La crise éclate à nouveau à la séance du 6 octobre 1901 où le maire fait remarquer que les cahiers des charges du terre-plein et de la passerelle sont incomplets, provoquant une passe d'armes et le départ d'une partie des conseillers (l'incident a été relaté dans le chapitre concernant la passerelle de Relette). Réuni à nouveau le 13 octobre à la demande d'une large majorité qui regrette les éclats de la semaine précédente, le conseil, pour donner suite au projet retenu et pour régler définitivement cette question en suspens depuis trop longtemps vote le financement de l'ensemble des travaux ; il approuve les projets et les devis (élargissement des ponts en béton de ciment armé, agrandissement du terre-plein dit des maisonnettes [D], déplacement du lavoir), approuve aussi les cahiers des charges correspondants présentés par Lurat et Vignaud.

          Le 12 janvier 1902, une adjudication attribue les travaux de maçonnerie à l'entreprise Rullier frères. L'élargissement des ponts, en béton de ciment armé, système Hennebique, a fait l'objet d'un marché de gré à gré avec l'entrepreneur Delage, de Royan. Les travaux se déroulent à partir de l'été 1902 (Rullier travaille déjà à la passerelle de Relette).

          Le 18 novembre 1902, à partir de 8h du matin, commencent les vérifications des travaux des ponts, en présence de Pontaillier maire de Ruelle, assisté de Chapuzet 1er adjoint et Germain 2ème adjoint, de Jean Lurat et Nazareth Vignaud, conseillers municipaux et membres de la commission de surveillance de l'exécution des travaux, et de l'entrepreneur Delage. Les épreuves de résistance consistent à soumettre les poutres et plateformes en béton à un poids de 1500kg par m², (poids obtenu avec l'entassement de plus de 200 sacs de ciment de 50kg sur environ 7m²). Les mesures durent toute la journée et reprennent le 21 novembre. Il faut s'interrompre 2 jours pour que l'entrepreneur s'approvisionne en lest pour former un poids de 40.000kg (soit 800 sacs de 50kg de ciment, sable et gravier) pour tester le comportement de la poutre maîtresse de chaque pont. Les vérifications montrent que les mouvements restent dans les tolérances prévues par le cahier des charges, témoignent non seulement de la solidité et de la résistance du béton, mais aussi de la bonne exécution des travaux ; en conséquence, la réception provisoire de l'agrandissement des ponts est prononcée.

          Le 19 décembre 1902, en présence du représentant de l'entreprise Rullier et des mêmes délégués de la municipalité, a lieu la réception provisoire des travaux de maçonnerie qui sont jugés conformes aux conditions des devis et du cahier des charges.

 

Mais déjà, le 27 novembre 1902, le journal La Charente a publié un article concernant la réalisation de l'emplacement dévolu au marché.

"Après tant de polémiques, le terre-plein sur la rivière la Touvre est enfin terminé, et cela à la satisfaction générale du public

ruellois. Ce sera une belle place pour les promeneurs et une grande commodité pour les forains. Ces derniers pourront s'installer à leur aise et les acheteurs pourront circuler sans crainte du danger que pourraient occasionner (des véhicules) à cet endroit si fréquenté du public.

Les essais qui ont duré trois jours, ont été faits sur la partie construite en ciment armé, en présence de M.Pontaillier, maire de Ruelle, accompagné des membres de la commission de construction et de M.Delage, entrepreneur à Royan. Les résultats ont été satisfaisants, la charge supportée par les voûtes a été à l'essai de 1.500 kilos par mètre carré tandis que la charge imposée par le marché était de 500 kilos. A la suite de ces épreuves les travaux ont été acceptés."

 

Il ne s'est écoulé que 12 ans entre le premier projet et la fin de la construction ! En août 1903 sont approuvés les décomptes des travaux : 13902,54f pour l'élargissement des ponts et 18437,84f pour les travaux de maçonnerie du terre-plein ; la réception définitive a lieu le 21 décembre 1903, avec les mêmes personnes qu'à la réception provisoire.

 

Carte postale réalisée après 1905 (le buste de Montalembert est installé près du parapet) ; les plateformes rectilignes correspondent à l'élargissement des ponts.
Carte postale réalisée après 1905 (le buste de Montalembert est installé près du parapet) ; les plateformes rectilignes correspondent à l'élargissement des ponts.
Un 1er mai ensoleillé (les dames ont des ombrelles)
Un 1er mai ensoleillé (les dames ont des ombrelles)
Carte envoyée en 1931
Carte envoyée en 1931

Les droits à payer pour l'utilisation de la place

 

           Si les lieux sont utilisés par les automobiles comme parking, par des manifestations festives comme la frairie, il ne faut pas oublier que l'objectif premier était d'en faire l'emplacement du marché, afin d'assurer la libre circulation des véhicules, la sécurité des acheteurs et leur ravitaillement ; or ce commerce constitue une ressource financière pour la commune qui a commencé à percevoir des droits de place (ou plaçage) dès l'institution du marché, sans qu'il existe un lieu spécifique à cette activité. Ces droits s'appliquent aussi les jours de foire aux forains, autres que les marchands de bestiaux. Le conseil fixe les tarifs qui doivent être approuvés par le préfet. Jusqu'en 1920, le recouvrement des droits est affermé, en général pour 3 ans, au particulier qui a remporté l'adjudication. Le montant de la ferme passe de 200f par an en 1869, à 600f en 1891, pour atteindre 1200f en 1898. L'adjudicataire verse la somme à la commune et se charge de la collecte des droits, mais à son profit. Aussi a-t-il tendance à demander une réduction du montant de l'adjudication prétextant que le marché se désertifie. Il est vrai qu'en 1892 le préfet refuse le cahier des charges des droits de plaçage: il précise que les droits ne peuvent être perçus que sur la superficie occupée et que les marchands circulant avec des paniers doivent être exemptés. Cette mesure contribue au développement du chinage, puisque la vente au porte à porte se trouve exonérée. En 1898, une pétition des commerçants installés sur le terre-plein, s'élève contre le chinage les jours de marché, jusqu'à midi, (qui sera momentanément interdit) et l'adjudicataire des droits de plaçage demande, en plus, une réduction du prix de la ferme, mais en vain.

          À compter du 1er août 1920, la collecte des droits de plaçage est assurée sous la forme d'une régie directe, c'est-à-dire par un employé municipal. Le prix des tickets varie selon la superficie occupée, le type de produit vendu. En octobre 1944, on supprime momentanément les droits de place pour donner un nouvel essor au marché. En novembre 1947 on introduit la notion d'abonnement, ce qui est plus avantageux pour les commerçants qui fréquentent régulièrement le marché.

         Fin 1951, un arrêté municipal précise que lors des foires mensuelles, les forains vendant des produits de consommation courante (légumes, fruits, poissons, volailles…) s'installeront sur le terre-plein et les autres, sur le champ de Mars.

 

À titre d'exemple, en juillet 2004 les tarifs sont les suivants :

- œufs, volailles, gibier, lapins le m² 1,78€

- cages à bestiaux l'unité 3,45€

- forains abonnés (jeudis et dimanches) le m²/jour 0,35€

- forains fréquentant occasionnellement le marché m²/jour 0,63€

- spectacles ambulants le m²/jour 0,27€

L'application des tarifs n'est pas limitée au terre-plein.

 

L'aménagement des lieux jusque vers 1950

 

Les abords immédiats

 

          Les travaux sont à peine terminés qu'on se soucie de l'aspect des lieux : dès le 1er décembre 1902, le conseil donne son accord pour faire étêter les six platanes compris dans l'agrandissement du marché, travail dont se charge Philippe Dubois, tâcheron, moyennant le prix forfaitaire de 35 francs et la possession du bois provenant de l'élagage. Les six platanes ont bien supporté l'opération puisqu'ils ornent toujours la limite de la place.

          Dans le même temps le maire se préoccupe de l'emplacement du kiosque à journaux, géré par M.Brun : situé à l'entrée de l'agrandissement du marché, au bout du pont de Ruelle, face à la Fonderie, il "fait obstacle à la circulation publique".

Déjà, en 1895, alors qu'il n'est que conseiller municipal, Pontaillier critique l'implantation du kiosque à journaux à cet endroit: il masque la vue sur la Touvre quand on arrive du passage à niveau et pour ceux qui viennent du Bourg, il cache les véhicules provenant du Maine Gagnaud ou de la gare.

 


Sur la photo de gauche, le kiosque à journaux dont on aperçoit le toit, est situé au sud de la route.

Le conseil se prononce, dès le 30 novembre 1902, pour un changement de côté : on l'installe en face, à l'entrée du pont, près de la conciergerie de la Fonderie et de l'abri réservé aux utilisateurs du tramway électrique, emplacement moins gênant pour la circulation.

 

 Le buste de Montalembert

 

          Pour embellir le terre-plein délimité par un parapet rectiligne d'environ 80m de long, et par la même occasion rendre hommage à celui qui est à l'origine du développement de la ville de Ruelle, un comité se donne pour objectif d'ériger un monument à Montalembert. Fin août 1904, le président du "comité d'initiative pour l'érection du monument" demande même au ministre de la Marine d'autoriser les fonctionnaires de son département de participer et de souscrire à l'œuvre, ce que le ministre accorde dès le 19 octobre. C'est le sculpteur Émile Peyronnet qui façonne le moule du buste et la Fonderie qui coule le bronze.

 

          Le comité choisit aussi l'emplacement où l'ériger, sur le terre-plein, entre les deux ponts, près du bras gauche de la Touvre, en face des bains de la Fonderie, en oubliant juste de demander l'autorisation du conseil municipal.

Aussi, la séance du 8 août 1905 est-elle houleuse ! Auguste Rouyer s'étonne qu'on décide de construire sur un terrain communal sans que le conseil se soit prononcé; Armand Micoulaud affirme que le comité a voulu se moquer du monde.

Léon Chissadon, Secrétaire général de l'Université Populaire, qui a participé aux travaux du comité, reconnaît que celui-ci a commis une faute et présente ses excuses. Finalement le conseil autorise la construction du monument dédié à Montalembert, sur l'emplacement choisi par le comité.

 

          Le maire, Antoine Pontaillier, accompagné de Brisson, sénateur, et de Mulac, député, a été reçu par M. Thomson, ministre de la Marine, et l'a invité à l'inauguration du buste ; aussi attend-on la disponibilité du ministre pour fixer la date et le déroulement des festivités. Celles-ci sont d'abord prévues les 6 et 7 janvier 1906, en présence de M.Thomson, du préfet de la Charente, de MM. les députés et sénateurs du département, selon le programme suivant :

­samedi 6 janvier à 1h1/2 visite de la fonderie par M. le ministre de la Marine

­dimanche 7 janvier:

▫10h45, réception du ministre par le conseil municipal, le comité du monument Montalembert, les sociétés de Secours mutuels, les associations ouvrières, les sociétés de Gymnastique et la société de la Musique ;

▫11h1/4, inauguration du monument, remise du buste à la commune de Ruelle ; défilé des associations ;

▫midi1/4, grand banquet, 3 francs ;

▫2h conférence mutualiste, salle Denis ; remise des drapeaux aux sociétés de secours mutuels (la Bienfaitrice de la Touvre et la Secourable des Dames) ; tirage de la tombola de la Bienfaitrice ;

▫le soir, divertissements divers, illumination des édifices communaux, grands bals publics.

Lors de l'inauguration proprement dite, le 7 à 11h15, doit être lu un long poème de E-G Belluteau, quinze strophes de six alexandrins, écrit dès avril 1905, spécialement pour la cérémonie.

 

          Mais l'indisponibilité du ministre ajourne la manifestation. L'inauguration a finalement lieu le vendredi 13 juillet 1906, "dans le plus grand silence", sans ministre, "sans doute en raison des fractions politiques qu'il aurait mieux valu mettre de côté et agir dans un sentiment de fraternité" d'après l'auteur du communiqué publié dans La Charente des 15 et 16 juillet 1906.

Du haut de son piédestal, Montalembert surveille la marche de sa fonderie, les activités commerciales ou festives qui animent le terre-plein jusqu'à l'occupation allemande ; il a même vu, en avril 1941, la reconstruction d'une partie du parapet du terre-plein démoli par les troupes françaises en juin 1940 (40m du côté des bains-douches et 7m du côté du lavoir devant la fonderie). Mais en exécution de la loi sur "l'enlèvement pour la refonte des monuments en alliage cuivreux", loi du 11 octobre 1941, promulguée par le gouvernement de Vichy, et après la création du "Commissariat à la mobilisation des métaux non ferreux", le buste quitte la place, dans les premières semaines de 1942, pour apporter sa contribution à l'effort de guerre, au côté de l'occupant allemand.

 


           Dans la réunion du 14 mars 1942, le conseiller municipal André Vaucelle propose de le remplacer par un buste en pierre ou en marbre, en faisant couvrir les frais par une souscription; mais la suggestion ne soulève pas l'enthousiasme, et le piédestal reste sans buste. Une lettre du préfet de janvier 1945 propose à son tour le remplacement par une œuvre en pierre et promet même que toutes les réalisations en pierre seront d'une facture bien supérieure aux œuvres qu'elles remplaceront [1]. Le 12 mars 1945, c'est l'auteur du monument, le sculpteur Émile Peyronnet qui se manifeste ; il rappelle que la Fonderie avait fourni gracieusement le bronze, mais qu'il a le moule en plâtre au musée d'Angoulême et en conséquence, il propose un buste en pierre à l'identique pour environ 20.000f, la mise en place étant à la charge de la commune. Il souligne qu'il n'est pas question de pouvoir réaliser un buste en bronze en cette époque de pénurie de métal. Mais ne serait-il pas paradoxal d'utiliser la pierre pour représenter le créateur de la Fonderie ?

          La municipalité fait la sourde oreille et le piédestal reste inoccupé. Cependant, attendant une indemnité de 25 à 30000f, elle entreprend des démarches pour se faire rembourser le buste de Montalembert, "mobilisé en 1941". En avril 1945, la direction des industries mécaniques et électriques de la circonscription de Poitiers rappelle qu'on ne rembourse que la valeur du métal et non la valeur artistique; mais pour cela il faut le reçu émis par le GIRM (groupement d'importation et de répartition des métaux), donné lors de l'enlèvement, reçu qui indique le poids de la statue ; or la commune prétend qu'elle n'en a pas eu. Elle s'adresse alors au GIRM qui, en octobre 1945, répond qu'il ne peut donner de duplicata car il n'est pas en possession des dossiers concernant l'enlèvement des monuments en bronze, ces dossiers ayant été remis au ministère de l'Intérieur. On a l'impression que le serpent se mord la queue et le piédestal continue d'attendre le retour de son hôte [2].

          Cependant, Jean-Maurice Poitevin [3], soutenu par le conseil qui, en décembre 1948, a envisagé la possibilité de remettre un buste de Montalembert sur le support, ne perd pas l'espoir d'aboutir au résultat souhaité. Il continue les démarches et à la séance du 13 février 1958, il peut annoncer que le buste a été refondu par la Fonderie, d'après le moulage conservé au Musée d'Angoulême et réalisé au début du siècle par le sculpteur Émile Peyronnet [4]. Le maire estime qu'il serait normal que Mme Peyronnet, sa veuve, bénéficie d'une somme représentant en quelque sorte des droits d'auteur pour la reproduction de l'œuvre; aussi le conseil lui attribue-t-il une somme de 15.000 francs.

          En cette année 1958, le buste de Montalembert et son piédestal sont placés à l'extrémité du square sur la Touvre dont la construction a commencé en 1956. (Voir infra.)

 

[1] Il y aura bien des gogos pour le croire.

[2] Il existe pourtant dans les archives municipales, un courrier daté du 12 mars 1942, émanant du GIRM, accompagné d'un reçu de l'enlèvement du buste, monument déclassé par la commission départementale; ce reçu qui indique le poids (59kg) afin de déterminer la valeur du bronze, est authentifié par un timbre fiscal de 1,20 franc, oblitéré par un cachet à la date du 11 mars 1942 (photocopies supra).

[3] Maire depuis octobre 1947.

[4] Emile Peyronnet (1872-1956), sculpteur statuaire, a été conservateur du Musée d'Angoulême de 1928 à 1956, année de sa mort.

 

Les autres aménagements de la place jusqu'à la Seconde Guerre mondiale

 

          L'aménagement le plus important, par son volume, est la construction des bains-douches en 1925-1926. Si le bâtiment, peu esthétique, enlaidit la perspective, l'absence d'adduction d'eau, a condamné à construire près de la Touvre, sur la partie du terre-plein la plus large. Près de l'établissement ont été édifiés des WC. À cette époque, un arrêté municipal (19 novembre 1926) réserve la place aux piétons en y interdisant la circulation des bicyclettes.

 

Le lavoir de la rive droite, ou lavoir du Pont, est alimenté par un petit bras de la Touvre qui, au-delà, vers l'aval, est canalisé et continue par un parcours souterrain, dans l'enceinte de la Fonderie. En 1931, il fait partie des cinq lavoirs qui sont couverts (lavoirs de chez Ventenat, du terre-plein, du Pont Neuf, des Seguins et de Fissac). Le coût des travaux (murs, piliers, couverture) s'élève à un peu plus de 21.000f, auxquels s'ajoutent 1300f d'aménagement. Ainsi les laveuses pourront travailler dans de meilleures conditions. (Voir plan n° 7). L'alimentation en eau n'est-elle pas suffisante ou de mauvaise qualité à certaines époques de l'année? En mai 1942, on étudie le projet de construction d'un collecteur d'arrivée d'eau dont le devis s'élève à 40.000f. Mais dès le mois de juin, le projet est abandonné, en raison d'une circulaire du préfet demandant de "surseoir à l'exécution de travaux ne présentant pas un caractère de première importance".

 

Le lavoir de la rive gauche, ou lavoir devant la Fonderie, est à ciel ouvert et a la particularité d'être partagé entre Magnac-sur-Touvre et Ruelle. La partie au sud de l'axe de l'ancien pont appartient à Magnac (près de l'actuelle pharmacie); au nord de cette ligne, suivie partiellement par le parapet du terre-plein construit en 1902, et à l'ouest du retour d'angle, c'est la partie ruelloise. Chaque commune possède sa (ou ses) pierre(s) à laver.

 

L'aménagement du square Montalembert

 

          Entre les deux ponts, en amont, dans une zone d'eaux presque stagnantes, les herbes se développent, des dépôts ont lieu; les vases ont tendance à former une île délimitée par les deux courants principaux correspondant à chaque pont et par un petit courant secondaire latéral au terre-plein. Déjà, bien avant la construction du terre-plein, les vases avaient commencé à se déposer: elles sont évoquées, lors d'une séance du conseil en 1894.

          En mai 1909, les commissions des travaux des communes de Ruelle et de Magnac proposent le remblaiement de la partie de la rivière se trouvant en amont du terre-plein et occupée par des vases de plus en plus nuisibles à la santé publique par les mauvaises odeurs qui s'en dégagent au moment des basses eaux.

          En août 1909, Ruelle enregistre le refus de Magnac de participer au remblaiement et demande alors à la Fonderie de prendre des dispositions pour améliorer la situation. La question reste en suspens et trente cinq ans plus tard, en février 1944, on suggère d'agrandir le terre-plein par une pointe en ogive pour éviter l'amoncellement des vases. Mais rien n'est fait.

 

Carte éditée antérieurement à 1941 (le buste de Montalembert est encore en place).
Carte éditée antérieurement à 1941 (le buste de Montalembert est encore en place).

 

          Un plan de juin 1955, époque où on commence enfin à envisager sérieusement l'aménagement, montre que les vases ont donné naissance à une île (plan n°8).

          Le 9 septembre 1955, le maire soumet un projet précis au conseil municipal. Il énonce les principaux arguments qui justifient les travaux :

- supprimer un îlot couvert d'herbes et de jonc

- supprimer une partie toujours malpropre du cours de la rivière, partie dans laquelle sont déversées des immondices

- permettre la création d'un square accessible au public

- donner à la place du terre-plein un aspect nouveau qui s'harmonise au cadre de la Touvre.

De la même manière, les travaux sont clairement énoncés :

- recharge et blocage des vases par remblais de 0,50m à 1m

- réunion de l'ensemble au terre-plein par un remblai

- aménagement d'escaliers permettant l'accès direct du terre-plein au square

- suppression du cours latéral au terre-plein et pose d'une canalisation pour le passage des eaux sous le remblai

- apport de terre arable, plantation d'arbustes, aménagement de pelouses, de massifs, d'allées

- mise en place du buste de Montalembert à l'extrémité.

          On sollicitera l'autorisation de la Fonderie qui possède des droits d'eau et de surveillance sur la partie prévue au projet et comme la limite avec Magnac passe au milieu de l'île, il est prévu de consulter la commune voisine et de lui demander son accord par délibération de son conseil ; on souhaite non seulement qu'elle permette les transformations et aménagements prévus, mais aussi qu'elle abandonne tous droits de propriété sur les installations. Le conseil municipal, à l'unanimité, charge le maire d'entreprendre les démarches et les travaux.

          Le 26 octobre 1955, le maire de Magnac envoie la réponse favorable après délibération de son conseil municipal. L'enquête hydraulique et l'enquête publique ont lieu dans la deuxième quinzaine de décembre et un arrêté du préfet du 2 février 1956 autorise la commune à aménager le jardin public.

          Les travaux se déroulent selon le plan prévu : la consolidation des vases et le remblaiement sont terminés à la fin de 1957 et en 1958 sont réalisés les aménagements de surface : parterres, massifs, buste de Montalembert…

 

La fontaine François 1er

La fontaine, près du logis du Maine Gagnaud, avant son transfert.
La fontaine, près du logis du Maine Gagnaud, avant son transfert.

 

Description de la fontaine

          La description qu'en fait l'abbé Michon dans sa "Statistique Monumentale de la Charente", parue au milieu du 19ème siècle (1844-1849) a été reprise par de nombreux auteurs locaux : "Sur le bassin carré qui se remplit des eaux de la Touvre, s'élèvent 3 piles ornées d'une demi-colonne engagée. Chaque demi-colonne est terminée par un chapiteau ionique ; au-dessus, architrave, frise et corniche, surmontée d'un dôme qui porte un socle… On a sculpté à la frise, au-dessus de chaque chapiteau: 1° l'écusson de France encadré dans le cordon du Saint Esprit ; 2° une salamandre couronnée ; 3° un F en relief. Entre ces sculptures, se trouve le mot rigavit [1], gravé en creux et répété trois fois". Cette fontaine construite en pierre calcaire a une hauteur de 2,62m et sa circonférence au fronton 4,30 m. La légende veut que le roi ait trempé le premier ses mains dans le bassin de la fontaine, ou suivant une autre version, qu'il ait puisé la 1ère goutte d'eau claire provenant de la Touvre, en l'inaugurant au cours d'une partie de chasse et de pêche, lors une halte qu'il fit au logis de Fissac [2] sur la rive droite et à celui du Maine Gagnaud (rive gauche) au printemps de 1526, pendant le voyage de retour, après sa captivité en Espagne. Cette description veut montrer que la fontaine date du 16ème s. et qu'elle fut érigée, afin de perpétuer le souvenir du passage du roi François I, par le propriétaire du manoir du Maine Gagnaud.

 

[1] Il fit couler (de rigo,as,are,avi,atum: faire couler, arroser)

[2] Divertissement attesté par le Registre des délibérations de la maison de ville d'Angoulême, de 1448 à 1657, selon l'abbé Michon.

 

Vers un classement de la fontaine

 

          Le 12 juin 1904, au conseil municipal, Léon Chissadon demande la restauration de la fontaine de François Ier qui tombe en ruine, près du logis du Maine Gagnaud, mais aucune suite n'est donnée à sa suggestion.

 

          Le 30 décembre 1905, une lettre du Sous Secrétaire d'État des Beaux-arts au préfet indique que la commission des Monuments Historiques propose de faire prononcer le classement de la "Fontaine de François I" au nombre des monuments historiques, mais il est nécessaire de se mettre en rapport avec le propriétaire de l'édifice. Dans les archives, avec la lettre du préfet qui demande le renseignement au maire (8 janvier 1906), on trouve un brouillon avec le nom des propriétaires, Moreau et Lacaton, mais aussi le nom des autres propriétaires du logis du Maine Gagnaud qui ont droit de puisage : Biget, Vantenat, Florimond Bouchet, Sidoine père retraité, Mme Lacroix. La réponse n'a-t-elle pas été envoyée en raison de la guerre interne au conseil ? Toujours est-il qu'un an plus tard, le 11 janvier 1907, le préfet rappelle qu'aucune suite n'a été donnée à sa demande. Le nouveau maire, élu en décembre précédent, fait diligence car, en mars 1907, une lettre du Sous Secrétaire d'État des Beaux-arts qui demande le consentement écrit des propriétaires pour le classement de la "fontaine de François I", fait remarquer que le classement ne porte pas atteinte au droit de puisage (donc qu'il n'est pas utile d'en mentionner les titulaires, dans l'acte). Une déclaration signée des propriétaires, le 30 mars 1907, précise que Jacques Moreau accepte le classement de la fontaine comme monument historique, mais pas Antoine Lalma Lacaton.

 

          En juillet 1908, la préfecture demande au maire de renouveler les démarches auprès de Lacaton, son accord ne pouvant en aucune façon lui être préjudiciable, il s'agit seulement d'assurer la conservation d'une construction. Mais celui-ci persiste dans son refus et rien n'est fait avant que la guerre éclate.

 

          L'affaire est relancée en 1925 : en février, le préfet demande à nouveau le nom des propriétaires de la fontaine qui sont toujours Antoine Lalma Lacaton (agent technique de la marine, retraité, domicilié à Garat) et Jacques Moreau habitant au Maine Gagnaud. Enfin, daté du 19 mai 1925, un arrêté du ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-arts, en application de la loi du 31 décembre 1913 et du décret du 18 mars 1924, inscrit sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques la "Fontaine dite de François I". L'arrêté est accompagné d'une circulaire destinée aux propriétaires: ils ne peuvent faire de modifications au monument sans prévenir le préfet au moins 15 jours avant et dans le cas de travaux, la demande est transmise au ministre avec les avis de l'architecte des Monuments historiques et de l'archiviste départemental. L'arrêté et la circulaire sont notifiés aux propriétaires, par les gardes champêtres de Ruelle et de Garat, avec un accusé de notification de la circulaire et de remise de l'arrêté, le document étant signé du propriétaire et du garde champêtre. Le sérieux et le formalisme peuvent prêter à sourire quand on sait que rien n'est fait pour sauvegarder la fontaine.

 

          En avril 1941, la municipalité reconnaît que la Fontaine a besoin d'être réparée ; aussi la commission des travaux doit-elle se mettre en rapport avec l'architecte départemental chargé des Beaux-Arts. C'est ce qui a sans doute été fait, puisque le 27 septembre 1941, le préfet demande au maire de vérifier si l'entretien de la fontaine laisse à désirer comme il lui a été signalé et de prendre les dispositions pour faire nettoyer la fontaine et ses abords. La réponse du maire [1], le 8 octobre, montre quelque embarras; il rappelle que la fontaine est située sur la ligne de séparation de 2 propriétés appartenant en indivision à M. Lacaton de Garat et Mme Veuve Moreau [2], qu'un sentier très étroit prenant naissance sur un chemin privé y donne accès, que le sentier est bordé d'un côté par un mur de clôture et de l'autre par une haie et un pré broussailleux appartenant à Mme Veuve Moreau. Il n'avoue pas que la commune n'a rien fait mais dit qu'elle "ne peut consacrer qu'une somme insuffisante au nettoyage de la fontaine et des abords" et qu'à certaines époques l'accès à la fontaine est rendu difficile à cause des branches de la haie et des broussailles. Pour lui, il semble que la fontaine n'a fait l'objet d'aucun entretien, ni de réparation, ni de consolidation depuis son édification; les pierres taillées et sculptées sont fortement disjointes et il peut donc en résulter un effondrement complet de ce monument très délabré. Il est indispensable d'inviter les services des Beaux-arts à prendre d'urgence les mesures de protection et de restauration qui s'imposent pour la sauvegarde "de cette belle presque unique curiosité de Ruelle".

 

          Le 25 septembre 1946, une lettre du préfet informe le maire que la commission des monuments historiques propose de classer la fontaine au nombre des monuments historiques et demande que le conseil se prononce dans un délai de 2 mois sur l'adhésion au classement. Le 29 octobre, à l'unanimité, le conseil donne son accord au projet de classement comme monument historique afin que l'administration des Beaux-arts fasse procéder aux travaux d'entretien nécessaires.

 

          Début janvier 1947, le ministère demande aux propriétaires leur adhésion au classement et la transmission de la réponse dans un délai de deux mois. Le maire, dès le 20 janvier, écrit à Mme veuve Moreau, rue François Ier à Ruelle et à M. Lacaton Antoine Lalma à Bouex pour obtenir leur consentement au classement, en précisant qu'il ne peut leur être préjudiciable et permettra d'assurer la conservation d'une construction qui tombe en ruine. Mme veuve Moraud donne son accord dès le 8 février, mais M. Lacaton, en raison de son grand âge est incapable de signer et de donner son adhésion. C'est son fils, inspecteur général de la Banque d'Algérie, à Alger, qui répond le 13 février ; il prévoit de venir en Charente au cours de l'été et évoquera la question si elle n'a pas déjà été résolue. Le maire, lui rappelle, fin février, que la fontaine a été inscrite à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques mais non définitivement classée et que le délai donné par le ministère n'est que de 2 mois. Le 5 mars 1947, M. Lacaton, toujours à Alger, répond que le consentement est difficile à donner vu l'éloignement, qu'il y a des droits de puisage… et promet de régler le problème quand il viendra en Charente. Ne s'agit-il pas d'arguments dilatoires ? Quelle suite a été donnée ?

 

          Le 21 juillet 1949, le conseil municipal décide de consulter la commission départementale des sites et monuments historiques, à la demande de Mme veuve Moraud [3], à propos des réparations à faire d'urgence et envisagées depuis longtemps. Mais les archives ne conservent pas de traces des résultats de la démarche.

 

Le transfert de la fontaine dans le jardin public

 

          En décembre 1963, comme suite au souhait du maire de transférer la fontaine dans le jardin public, l'architecte des monuments historiques, Raymond Redon, demande la constitution d'un dossier avec le projet de lieu de la nouvelle installation, les photographies de l'état actuel, un rapport sur les moyens envisagés pour exécuter le transfert, la mise en place et la restauration; le tout sera transmis au conservateur des Bâtiments de France, car la fontaine est inscrite sur l'inventaire supplémentaire. À la fin de janvier 1964, le maire envoie le dossier avec des photos, dont une datant de 1959 qui montre l'existence d'un chapeau sommital qui a disparu depuis.

 

          À la même époque (mars 1964), une lettre des services préfectoraux, montrant la méconnaissance de la question, demande le nombre approximatif des visiteurs de la fontaine, s'il a augmenté…Cela peut prêter à sourire quand on sait que peu de personnes savaient où elle se trouvait, mais à la décharge des services, il s'agissait d'une enquête pour la préparation du 5ème plan (partie équipement culturel).

 

          À la mi-juin 1964, l'entrepreneur Beligot d'Angoulême remet un devis descriptif et estimatif des travaux (7778,98f) auxquels s'ajoutent 10% pour les honoraires et imprévus (777,90f) soit un total de 8556,88f. Jean-Maurice Poitevin, dans une lettre du 29 juin à l'architecte Redon, exprime son mécontentement en refusant le devis, refus qu'il justifie par le fait que le monument est pratiquement démoli, que la commune peut assurer le transport (les blocs étant de taille réduite), ainsi que l'enlèvement des gravats. En juillet, l'architecte lui répond que les travaux de conservation et de restauration doivent être faits par une entreprise spécialisée mais que la commune peut se charger de l'enlèvement des terres et gravats ainsi que du transport, ce qui ramène le devis à 5915,48f.

          Après différents échanges de courrier avec le Conseil Général et le préfet, le conseil municipal, dans sa séance du 1er décembre 1964, donne son accord pour faire procéder au transfert de la fontaine dans le square public sur la Touvre, accepte le devis de 7778,98f , charge le maire de discuter de la question avec l'architecte Redon au mieux des intérêts de la commune, vote 8500f pour le financement de l'opération et sollicite une subvention de l'État et du Conseil Général. On pourrait penser que tout est prêt pour commencer les travaux! Eh bien non! En mars 1965, le maire doit fournir le dossier complet avec le devis et les plans au Conservateur Régional des Bâtiments de France. À cette occasion l'architecte Redon lui précise que même si certains travaux peuvent être faits par la commune, il vaut mieux présenter le devis complet pour les demandes de subventions.

 

          En juillet 1965, un courrier du Conservateur Régional des Bâtiments de France transmet l'accord du ministre chargé des affaires culturelles, pour le transfert et la restauration de la fontaine ; il précise aussi qu'une subvention au maximum de 25% du montant des travaux réellement exécutés, sans excéder 2139f, sera versée à l'achèvement des travaux si ceux-ci sont effectués sous le contrôle du service d'architecture des monuments historiques et en tenant compte de ses directives.

 

          Le 6 octobre 1965, à la demande du préfet, le conseil renouvelle son accord pour le transfert et la restauration de la fontaine ; accepte le devis de 8556,88f [4] ; prend acte de la participation de l'État (2139f) qui laisse 6417,88f à la charge de la commune ; demande, au Département, une participation de 50% sur la somme restant à la charge de la commune.

 

          Le 20 novembre 1965, un courrier de l'entreprise Beligot annonce que les travaux vont commencer sous huitaine. Tout irait pour le mieux si, à la réunion de la Société Archéologique, le 9 décembre, Simon Herta, érudit local bien connu des Ruellois, n'émettait pas des inquiétudes sur la hauteur du socle par rapport au niveau du jardin. Le président de la Société Archéologique, Edgar Serbuisson, se déplace alors sur les lieux mais ne partage pas les appréhensions émises et envoie un courrier rassurant au maire, le 14 décembre. Les travaux se terminent dans les jours qui suivent et la Fontaine a fière allure, implantée sur la partie droite du terre-plein (quand on regarde Montalembert). Initialement elle avait été prévue à gauche, mais la proximité des bains-douches, bâtiment peu esthétique, a dû inciter à changer d'emplacement (voir plan n° 9).

          Le règlement financier prend encore quelque temps ; le coût de l'opération s'élève à 5254,44f : 5004,23f de travaux et 250,21f d'honoraires qui sont payés en juin et juillet 1966. Quant aux subventions, 1970,41 du Conseil Général et 1313,61f de l'État elles ne sont versées qu'en août et septembre 1966.

          Pour un chantier de moins d'un mois en décembre 1965, près de 3 années se sont écoulées entre la première demande et le règlement final. Ceci peut expliquer les conditions du transfert de 1984 qui est abordé plus loin.

 

[1] Du 18 septembre 1941 au 26 octobre 1943, le maire est Roger Raillat.

[2] On trouve tantôt Moreau, tantôt Moraud

[3] Mme Noélie Moraud, conseillère municipale de Ruelle de 1947 à 1959, était la veuve de Charles Moraud (1894-1944, mort en déportation, et fils de Jacques Moraud et Marie Laplaigne).

[4] En décembre 1964, le montant des honoraires et imprévus n'avait pas été pris en compte.

  


Les autres aménagements des années 60

 Agrandissement du terre-plein face à l'entrée de la fonderie

 

          Dans la construction de 1902, face à l'entrée principale de la Fonderie, le terre-plein se termine par un parapet sur pilotis surplombant le lavoir. Mais les laveuses sont de moins en moins nombreuses et il semble intéressant d'assurer la continuité du cheminement piétonnier entre la place Montalembert et la rue Joliot-Curie (qui est sur Magnac).

           Le 2 avril 1965, le maire de Ruelle écrit à celui de Magnac pour l'informer de son désir d'agrandir le terre-plein tout en permettant le raccordement à la rue Joliot-Curie. À cet effet, la partie du lavoir située sur Ruelle sera remblayée, le parapet qui fait angle droit avec la 141 sera supprimé. Le nouveau parapet sera construit dans l'alignement de celui qui rejoint le square en limite de commune. (cf. plan n° 10) ; il précise que les travaux seront à la charge de Ruelle.

 

Le 15 avril 1965, le maire de Magnac transmet l'accord de son conseil municipal sous réserve qu'un petit lavoir avec pierre à savonner soit aménagé dans la partie restante.

 

Les transformations sur la rive droite

 

          On mentionnera pour mémoire, à la fin de l'année 1964, la décision de construire des WC à la place des WC et urinoirs près des bains-douches dont l'état ne mérite qu'une démolition ; le devis s'élève à 3000f.

Un aménagement d'une autre envergure concerne le lavoir. Depuis longtemps des vases et des résidus s'accumulent dans le chenal d'alimentation en eau ; en 1966, on se demande si la solution au problème d'assainissement ne serait pas de remblayer le petit bras de la Touvre et de supprimer le lavoir. La décision est prise en décembre 1967; le lavoir, considéré comme désaffecté, n'est plus utilisé que par une ou deux laveuses qui peuvent utiliser celui de l'autre côté du pont [1]. La construction d'une halle aux poissons (et aux produits de la mer, comme les huîtres…) dans le cadre de l'amélioration de l'hygiène et de la salubrité alimentaire semble bien plus utile. Les travaux de remblaiement apporteront une amélioration en supprimant un amoncellement de vases nauséabondes et un mur de clôture complétera l'aménagement. Les devis de l'entreprise de Travaux Publics Cauneille avec laquelle est passé le marché s'élèvent à 31.461,25f pour la halle aux poissons, et 13267,70f pour le mur de clôture. En février 1968, des travaux supplémentaires sont décidés, pour une somme de 12.641,87f, afin d'utiliser la partie non couverte du lavoir et créer ainsi 2 cases qui viennent s'ajouter aux 7 déjà prévues.

En mai 68, la halle aux poissons est terminée ; elle comprend 6 cases de 7,76m², 2 cases de 10,20m², 1 case de 11,26m² dont le prix de location est fixé respectivement à 480f, 660f et 720f par an, payable par trimestre. Les derniers prix de location votés le 30 juin 2003, sont respectivement 298€, 328€ et 374€.

Jusqu'en 2002, la vente du poisson ne s'effectue que dans la halle prévue à cet effet. Mais comme des marchands n'ont pu être admis faute de place et qu'ils possèdent un camion réfrigéré, autorisation leur est donnée de vendre sur le marché. C'est le point de départ d'une rapide désaffection de la halle : en moins de 2 ans, les marchands de produits de la mer l'abandonnent et rejoignent les autres commerçants sur le terre-plein.

 

[1] Le petit lavoir qui reste sur Magnac.

 

Les transformations au début des années 80

          Dès février 1979, suite à la découverte de la nécessité d'effectuer des réparations aux ponts de la place Montalembert, le poids des véhicules est limité à 3,5 tonnes sur le terre-plein.

          Mais on a découvert aussi que le pont de la 141, côté Limoges, a besoin d'être refait. Si les travaux de la RN 141 incombent à l'État, ceux du terre-plein relèvent de la commune. Les travaux de l'État ont lieu en 1982 : en septembre est mise en service une demi-chaussée du pont rénové, la deuxième partie l'est en décembre. En ce qui concerne le terre-plein, il faudra beaucoup plus de temps, d'autant que les services préfectoraux ont donné la priorité à la RN 141 pour laquelle les crédits ont été alloués rapidement.

 

Quels travaux doit-on ou peut-on entreprendre au niveau du terre-plein ?

 

          Doit-on reconstruire à l'identique, c'est-à-dire se contenter de réparer ou de refaire les ponts du terre-plein, ou, à l'occasion des travaux indispensables, en profiter pour agrandir la place Montalembert ? Une lettre du Directeur départemental de l'Equipement, datée du 6 octobre 1981 et accompagnée de plans et de devis, indique plusieurs possibilités: reconstruction à l'identique (devis de 1.377.000f, en septembre 1981), agrandissement de 6m, 12m ou 24m. Dans sa séance du 3 novembre 1981, le conseil accepte la réfection à l'identique puisqu'il y est contraint pour des raisons de sécurité, demande quelles sont les possibilités de subventions tant pour la réfection que pour l'élargissement, mais ne se prononcera définitivement pour l'extension que lorsqu'il connaîtra le montant des aides.

          Avait-on oublié la présence de la Fontaine François Ier dans le jardin public ? À la mi-novembre, le chef du service départemental de l'architecture envoie un avis sur l'agrandissement de la place Montalembert, située aux abords immédiats de la Fontaine, inscrite à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques.

          Il n'est pas défavorable à un élargissement de 6m voire 12m, à condition que la surface créée ne soit pas réservée au stationnement automobile, mais qu'elle serve au cheminement piétonnier; que les parapets de pierre soient déposés et remontés en limite de l'extension. Il ajoute que le site ne manque pas de caractère et mériterait d'être débarrassé des constructions laides et parasites qui sont venues l'encombrer comme les bains-douches, ou encore les services sociaux de la fonderie, de l'autre côté de la RN 141.

          Une lettre de la DDE de janvier 1982 informe le préfet que les ponts du terre-plein sont en très mauvais état et doivent être reconstruits, qu'il faut prévoir une subvention de 57% du devis de septembre, à actualiser. En juillet 1982, une lettre du chef du service des routes à la DDE trouve plus judicieux de reconstruire les ponts plutôt que de les consolider: en effet les poutres sont en mauvais état, le béton se désagrège, les ouvrages ont été construit en 1902 avec une technique de pointe à l'époque mais ont atteint la limite d'âge.

          Dans sa délibération du 13 mai 1982, le conseil confirme ses décisions de la séance précédente (9 avril 1982): reconstruire à l'identique pour des raisons de sécurité et profiter de l'occasion pour agrandir le terre-plein en fonction des aides possibles. Mais les coûts prévisionnels ont sérieusement augmenté : au total 3.475.000f TTC, selon l'estimation de la DDE, de janvier 1982. Il faut donc étudier les possibilités de financement et continuer la recherche des subventions. En février 1982, une demande au Fonds d'Aménagement Urbain (FAU) est partie avec un avis favorable du préfet "dans la mesure où le projet améliore les conditions d'accueil d'un marché forain (des demandes n'ont pu être satisfaites par manque de place), élément très important de l'animation commerciale et sociale de la commune et participe à la création d'une continuité dans le cheminement piétonnier d'une rive à l'autre de la Touvre".

          On sollicite le Conseil Général, l'Établissement Public Régional (l'EPR est devenu le Conseil Régional), différents services de l'État. Mais l'EPR informe qu'il ne finance pas ce type de travaux, réponse semblable du ministère de l'Environnement, et pour couronner le tout, en juillet 1982, la subvention du FAU n'est pas accordée parce que le projet ne respecte pas les conditions générales d'un projet global sur un quartier (absence de priorité au logement locatif social). Il faut donc se tourner vers l'emprunt : en septembre le devis s'élève à 2.105.150f pour la tranche ferme (reconstruction de l'existant) et 1.286.810f pour la tranche conditionnelle (extension).

 

La réalisation des travaux d'infrastructure

 

          Comme un délai d'environ 5 mois est nécessaire entre la notification de l'ordre de service et le début des travaux, il est temps de lancer les formalités. En janvier 1983, le conseil avalise le dossier d'appel d'offres, confie l'étude et l'exécution à la DDE. Le 2 mars est choisie l'entreprise chargée des travaux et comme les subventions du Conseil Général (605.880f pour la reconstruction et 281.033f pour l'extension) et du ministère de l'Intérieur (120.000f) sont connues (soit 1.006.913f au total), le conseil confirme sa décision de reconstruction et d'extension de 6m.

          Le 7 mars 1983, le maire écrit au Directeur de l'ECAN [1] et au maire de Magnac pour les avertir des travaux et leur demander de formuler un avis ou des observations avant de lancer l'opération, en mai 1983. Le maire de Magnac souhaite une légère modification : que le parapet, au lieu de former un angle droit, parte en biais, vers l'extrémité du mur de clôture de la pharmacie, car c'est le seul endroit permettant l'accès libre à la Touvre. Le conseil de Ruelle refuse, jugeant la modification peu esthétique et éventuellement gênante pour la circulation des eaux.

          Les travaux ne commencent vraiment qu'en juin 1983 : le 16, le maire informe le Directeur Départemental de l'Agriculture qu'il est prévu de mettre à sec le bras droit du 20 juin au 15 août 1983 et le bras gauche du 15 août au 15 octobre 1983, pour la reconstruction des ponts de la place. Les travaux d'infrastructure prévus pour une durée de 6 mois à compter du 21 juin, doivent être prolongés d'un mois et demi en raison de travaux supplémentaires nécessaires pour consolider les culées des ponts et ne s'achèvent que le 3 février 1984.

 

Les aménagements de surface

 

          La construction des ponts, élément indispensable, doit être complétée par un aménagement de surface. Dès octobre 1983, un projet émanant de la DDE propose l'utilisation d'un enrobé pour le parking, des pavés ou un enrobé de couleur rose pour la partie longeant la 141, une rampe d'accès au jardin, du mobilier urbain… Le tout, selon les choix, s'inscrit dans une fourchette de 310.000f à 880.000f ; mais il faut l'aval de l'architecte des Bâtiments de France. Le 18 novembre 1983, lors de la discussion sur l'aménagement de la place Montalembert, on évoque la question des bains-douches dont la fréquentation se restreint considérablement, dont les installations sont vétustes et le fonctionnement largement déficitaire. On en vient à envisager une démolition qui sans entraîner une véritable carence de service public permettrait un agrandissement du parking.

 

Voici comment La Charente Libre présente le projet dans son édition du 30 décembre 1983.

"L'aménagement de la place Montalembert va commencer

Le conseil municipal réuni le 22 décembre, a pris d'ultimes décisions avant d'entreprendre en janvier, la phase finale des travaux d'aménagement de la place Montalembert. Le maire a notamment été autorisé à contracter un emprunt de 800.000f pour financer les travaux.

Cette décision arrive après les trois décisions déjà prises le 18 novembre: suppression des bains-douches, retour du marché place Montalembert après les travaux, et interdiction du stationnement sur cette même place.

La réfection de la place intervient à la suite des travaux effectués sur le pont de la RN 141. La place proprement dite a été élargie de six mètres, comme auraient aimé le faire, au début de ce siècle, les élus municipaux qui ont aménagé la place. Ainsi élargie, et redessinée, la place Montalembert devrait faciliter la vie économique, et la vie associative, tout en dégageant la perspective sur la Touvre.

La place va être rechargée totalement, et à chaud, d'une épaisse couche d'enrobé. Les bains-douches (qui coûtaient 65.000f par an à la commune, pour une recette de 15.000f, et qui étaient de moins en moins fréquentés), vont être rasés. Il aurait de toute façon fallu renouveler complètement la chaufferie pour pouvoir continuer à les faire fonctionner. Par la même occasion, des toilettes convenables seront aménagées, ainsi que des massifs floraux…"

 

          On n'évoque pas la Fontaine François Ier. Pourtant elle a été déplacée en janvier ; en effet, une facture de l'entreprise R. Borderie de Saint Fraigne [2], datée du 29 janvier 1984, s'élève à 141809,19F TTC, pour le déplacement de la Fontaine avec l'aménagement d'une semelle en béton, la construction de murs et d'escaliers d'accès au square, et la réalisation du bassin circulaire où elle se dresse. A-t-on voulu procéder en catimini ? Se souvenait-on des longueurs résultant d'une réglementation tatillonne lors du premier transfert ? Jean-Maurice Poitevin a sans doute pensé respecter l'esprit des textes à défaut d'en respecter la lettre. Mais, le 21 juin 1984, le Directeur Régional des Affaires Culturelles, Conservateur Régional des Monuments Historiques, envoie un courrier au maire, au sujet du déplacement récent de la Fontaine, courrier où perce son mécontentement : il pense que "toutes les précautions indispensables n'ont pas été prises pour assurer la bonne préservation et la remise en valeur d'un monument protégé" et demande "de se rapprocher du service départemental pour terminer l'opération engagée un peu rapidement". Dès le 27 juin, le maire lui répond en précisant que le déplacement a eu lieu après consultation de M. Auzou directeur départemental qui a suggéré le nouvel emplacement et que toutes les précautions et garanties ont été prises. Il indique que c'est la Société Nouvelle de Génie civil de l'Isle d'Espagnac qui a accepté la totale garantie de l'opération et il ajoute même, qu'il l'a félicitée pour la qualité du travail réalisé.

 

[1] Fonderie, ECAN, DCN, DCNS…

[2] Travaillant dans le cadre de la SNGC ou Société Nouvelle de Génie Civil

 

La fontaine qui domine un vaste bassin circulaire, ne manque pas d'allure. Pour lui donner plus de hauteur, un tambour a été ajouté à chaque colonne. (Photo de 2011)
La fontaine qui domine un vaste bassin circulaire, ne manque pas d'allure. Pour lui donner plus de hauteur, un tambour a été ajouté à chaque colonne. (Photo de 2011)
La bande d'enrobé rouge s'étendant entre la bande claire de pavés, à gauche, et le parapet des ponts, correspond à l'extension du terre-plein. (Photo de 2012)
La bande d'enrobé rouge s'étendant entre la bande claire de pavés, à gauche, et le parapet des ponts, correspond à l'extension du terre-plein. (Photo de 2012)

          En février et mars ont lieu la démolition des bains-douches (facture de 11.860f TTC) et l'appel d'offres auprès des entreprises pour les aménagements de surface. Fin avril le marché public de travaux est signé avec la Société Chimique de la Route; commencés le 26 mai 1984, les travaux sont achevés le 24 août de la même année.

 

Bilan des travaux de 1983-84

 

          Le coût de la reconstruction et de l'extension, y compris les contrôles et les honoraires, s'élève à environ 2.500.000f ; il est couvert par un emprunt de 1.473.000f, une subvention du Conseil Général de 886.913f, et une subvention de l'État de 120.000f. Quant aux travaux de surface, la plus grosse dépense revient à l'aménagement du sol (goudronnage, pavés) pour près de 850.000f ; les autres postes de dépenses se répartissent entre la démolition des bains-douches, la construction de WC, les branchements électriques, le déplacement de la Fontaine et sa mise en valeur, le mobilier urbain… L'ensemble des aménagements de la place atteint environ 1.200.000f couverts par un emprunt. Ces travaux de 1983-84 par leur superficie, leur durée, leur valeur sont tout aussi importants que ceux de 1902.

 

Les derniers aménagements (depuis 2000)

          Il s'agit d'aménagements mineurs par rapport à ceux qui ont été réalisés depuis un siècle, mais qui pour autant ne manquent pas d'intérêt.

 

Le pourtour du square Montalembert

 

          En septembre 2000 une convention est signée avec le Syndicat Intercommunal d'Aménagement Hydraulique et Piscicole de la Touvre qui conduit les travaux de réhabilitation des berges (les pérés) du jardin public. Les travaux ont lieu en octobre-novembre et se montent à 346.575f y compris les honoraires de la DDE, les relevés topographiques et autres menus frais ; la commune verse 209.075f, après déduction d'une subvention de 137.500f.

 

Les carrefours à chaque extrémité du terre-plein

 

          La circulation dans Ruelle s'est améliorée depuis la mise en service de la déviation de la RN 141 (au début des années 80), mais elle est constamment ralentie voire bloquée par la succession de feux tricolores du cimetière au passage à niveau. En juillet 2005, il est donc décidé de supprimer certains feux, notamment ceux à chaque extrémité du terre-plein, et de les remplacer par des ronds points qui rendent la circulation plus fluide, même si, à cet endroit, l'espace est relativement réduit pour ce type d'infrastructure. Le marché est signé en mars 2006, pour un montant de 226.110,86€ TTC, et les travaux se déroulent dans les mois qui suivent. Cette partie d'avenue Jean-Jaurès, entre les deux ronds points, devient le Cours Montalembert.

 

La Fontaine dite de Saint-Jacques

 

          Cette fontaine dont on ne connaît pas l'origine, était située à l'intérieur de la DCNS, par derrière l'Hôtel de la Direction, près du mur d'enceinte qui longe la rue Charles Moraud et rejoint la Touvre au petit lavoir de La Groye. Le bassin de ce monument imposant dont la partie supérieure est occupée par une large coquille, n'a jamais été alimenté en eau par une tuyauterie: les dauphins qui l'ornent sont une création postérieure à son installation dans l'établissement [1]. Comme la Marine envisage de vendre l'Hôtel de la Direction, Michel Tricoche signale l'intérêt de la commune pour cette fontaine qui risque de disparaître et la DCNS en fait don à la ville de Ruelle. En 2005, on procède au démontage pierre par pierre, et les éléments numérotés sont entreposés au dépôt de la commune, en attendant que soit préparé l'emplacement qui doit la recevoir. À cet effet, la halle aux poissons, désaffectée, est démolie en 2006, et le sol est remblayé. L'ordre de service stipule que le remontage de la fontaine doit être réalisé ente le 12 février et le 27 avril 2007. En fait, les travaux sont terminés dès le 6 avril et le 27 a lieu leur réception avec Michel Tricoche, 1er adjoint, et le représentant de l'entreprise RBL, de Saint-Projet-Saint-Constant ; le coût des travaux se monte à 25786,95€.

          Si cette fontaine n'a pas la finesse de celle dite de François Ier, si elle souffre d'une méconnaissance de son histoire, par le ton de sa pierre, ses proportions et sa large coquille de Vénus qui en occupe la partie supérieure, elle constitue un élément décoratif monumental intéressant, adapté à la dimension des lieux qu'elle contribue à embellir.

 

[1] Les dauphins originaux, reproduction de poignées de portes monumentales de l'arsenal de Toulon et réalisés en bronze par la Fonderie, ont été remplacés par des copies en résine.

La Fontaine François Ier, une fontaine protéiforme qui se déplace

 

          Soumis à l’action du temps, des éléments commençaient à se désolidariser ; en 2014 il a été nécessaire de sangler la partie supérieure de la fontaine et de l’entourer de grilles pour assurer la sécurité du public. Ainsi isolée, telle une chrysalide, la fontaine préparait sa métamorphose. Comme elle est inscrite à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques, il a fallu solliciter les services de la DRAC pour procéder à sa restauration.

          Selon l’architecte des Monuments historiques, la fontaine correspond à une superstructure de puits et le bassin sur lequel elle s’élevait "est un contresens architectural". En conséquence, il est décidé de faire reposer les colonnes - auxquelles on retire les tambours rajoutés lors du déplacement précédent - sur une margelle en pierre de taille et d’implanter ce nouvel édicule dans le jardin public ; l’emplacement retenu correspond presque à celui initialement prévu pour la première implantation. Si le soubassement ne correspond pas à la description de l’abbé Michon qui ne fait aucune référence à une margelle, le dôme a retrouvé un socle sur lequel on a rajouté une boule sculptée de la salamandre.

          Les travaux, d’un montant de 36000 euros, ont bénéficié de la participation de l’Etat, du Conseil Départemental, des parlementaires par le biais de leur réserve ; ils se sont échelonnés sur la fin de 2015 et le début de 2016 (inauguration le 3 juin 2016 en présence de Martine Pinville, ministre).

 

 Un canon sur le terre-plein

 

Le dernier avatar de la fontaine ayant libéré la place  d’honneur à l’entrée du jardin public, un canon a été installé sur le bassin remblayé. Le choix du lieu d’implantation de cette pièce d’artillerie, réplique d’un canon de l’Hermione, se justifie pleinement devant la DCNS, mais il a fallu chercher sur quoi le pointer (ou plus exactement ne pas le pointer).

 

 

          Terminons cette dernière partie par une anecdote : la constatation d'une différence entre les plans cadastraux de Ruelle et de Magnac, a provoqué, en mai 2000, une visite des lieux par les services départementaux concernés accompagnés des élus locaux. Cette visite a permis de confirmer que l'angle du terre-plein, face à la pharmacie, appartient à Ruelle, et que du parapet, en allant vers le sud, la limite des deux communes suit le milieu du bras gauche puis rattrape le milieu de la Touvre au-delà du square. Si certains ont cru qu'on allait revenir aux "amusements" d'il y a un siècle avec les limites de la commune, ils ont dû être déçus !

 

Conclusion

          Seul point de passage routier entre les sources de la Touvre et le Pontouvre jusque vers le milieu du 19ème siècle, carrefour géographique de la commune, ces lieux ont été le point de conjonction de préoccupations parfois contradictoires, qui, pendant plus d'un siècle, les ont façonnés, selon les priorités du moment. Si la construction d'un marché relève de préoccupations économiques, il en est de même du choix du lieu d'implantation qui ne doit privilégier aucune partie de Ruelle [1], d'où des promesses électorales qui ont freiné sa réalisation. Les préoccupations de salubrité publique - avec l'aménagement de lavoirs, des bains-douches, de WC, de la halle aux poissons, avec la suppression de vases nauséabondes par la mise en place du jardin public - auxquelles s'ajoutent des problèmes de vie quotidienne, comme le stationnement et la circulation, ont souvent oublié l'esthétique. Invoquée comme argument lors des premières propositions de plans, sous-tendant la mise en place du buste de Montalembert ou le choix de garder les platanes, l'esthétique ne devient un souci majeur qu'après la seconde guerre mondiale, avec la création du jardin public, le déplacement du buste, la suppression des bains-douches, le transfert de la Fontaine François Ier et l'installation de la Fontaine Saint-Jacques.

 

[1] Et surtout ne pas défavoriser les commerçants du Maine Gagnaud, en rapprochant le marché du bourg.

 

Sources

Témoignages oraux : Jean-Pierre Chagnaud, Michel Tricoche.

 

Archives municipales

- Registres des délibérations du conseil municipal.

- Dossiers divers : Terre-plein, Buste Montalembert, Fontaine François I, Square…

- Plans cadastraux.

Archives départementales

- Série 2 OPROV 291.

- Journaux : La Charente (août 1900, 27 novembre 1902,15-16 juillet 1906), La Charente Libre (30 décembre 1983).

- L'Annuaire de la Charente.

 

Études

- J.-H. Michon : Statistique monumentale de la Charente 1844-49 ; réédition Bruno Sepulchre 1980.

- P. Conturie : Histoire de la Fonderie nationale de Ruelle (1951).

- Cahiers d'Histoire de Ruelle édités par l'Université Populaire.

 

Illustrations : documents d'archives, cartes postales, photographies prises par A. Herbreteau.

 

Texte rédigé par M. Herbreteau avec la collaboration d'Elisabeth Vadrot et d'Annie Herbreteau